Virus de la leucose bovine : comment le prévenir?

Bien que ce soit un rétrovirus, le virus de la leucose bovine est encore bien de son temps et continue de sévir à notre époque.

Que fait ce virus?

Le virus causant la leucose bovine enzootique (LBE) est dit oncogène, c’est-à-dire qu’il peut induire des tumeurs (lymphomes), lesquelles se développeront chez un peu moins de 5 % des animaux infectés, souvent des vaches adultes de plus de cinq ans. Les tumeurs peuvent se développer dans divers organes et tissus (nœuds lymphatiques, caillette, cœur, utérus), menant ainsi à des signes cliniques variés. La majorité des bovins infectés par ce virus sont donc asymptomatiques, ce qui favorise la transmission, car on ne se doute pas que l’animal est touché. La transmission se fait par les globules blancs infectés (lymphocytes). Les animaux infectés le sont pour la vie, ils auront possiblement une fonction immunitaire altérée, et donc une fragilité aux infections de différentes causes. Malheureusement, il n’existe aucun vaccin ni traitement efficace.

Pourquoi parle-t-on de ce virus?

La prévention et le contrôle de la LBE sont des défis pour l’industrie laitière québécoise. La LBE est d’ailleurs l’une des trois maladies visées par le plan d’action en santé animale des Producteurs de lait du Québec. La campagne PISAQ 13 élaborée par le MAPAQ vise à soutenir les producteurs de lait dans la mise en œuvre de bonnes pratiques de gestion et de biosécurité pour diminuer la prévalence de la LBE. L’objectif ultime est de limiter les impacts sur la santé des bovins et réduire les pertes économiques.

Une augmentation de la prévalence des élevages laitiers positifs à la LBE a été observée en territoire québécois au cours des dernières décennies. De 1980 à 2017, la prévalence des élevages laitiers québécois comptant au moins un animal séropositif est ainsi passée de 36 % à 86 %. En 2017, la détection des anticorps avec le test ELISA dans le lait de réservoir de tous les élevages laitiers du Québec a permis d’estimer que 14 % des élevages sont à faible prévalence (mois de 10 % d’animaux positifs), 65 % à prévalence moyenne (5-40 % de positifs) et 21 % à prévalence élevée (plus de 30 %).

Un virus qui diminue la productivité, ça existe?

Longtemps sous-estimée, l’incidence économique de la LBE est significative. Dans une étude américaine, chaque augmentation de 10 % de la prévalence dans un troupeau représentait une perte de 95 à 100 kg de lait par vache annuellement. Des chercheurs canadiens ont estimé qu’une vache laitière indemne génère un revenu annuel moyen supplémentaire de 635 $ par rapport à une vache infectée. Ces pertes financières s’expliquent notamment par la diminution de la production lactée, les frais associés à la réforme et au remplacement d’animaux et à l’instauration de pratiques de régie et de biosécurité pour le contrôle de la LBE. À ces pertes s’ajoute la longévité réduite des vaches. Un outil de calcul des pertes économiques annuelles est mis à votre disposition par Lactanet sur le site de la campagne PISAQ 13 du MAPAQ pour estimer l’impact financier de ce rétrovirus dans votre élevage.  La LBE a également des répercussions économiques négatives pour les éleveurs faisant le commerce d’embryons et de bovins vivants.

Une réforme hâtive à caractère viral est-elle possible?

En effet, les vaches présentant des titres d’anticorps plus élevés contre le virus de la leucose sur une période de 20 mois ont 40 % plus de risque de mourir ou d’être réformées que celles ne produisant aucun anticorps. Aux États-Unis, les condamnations de carcasses de bovins laitiers sont principalement causées par des lymphomes, et ce, même s’ils ne se développent que chez certaines vaches infectées.

De plus, l’infection par ce virus affecte la fonction des globules blancs des bovins, réduisant leur réponse immunitaire face aux infections opportunistes et à la vaccination. Les vaches atteintes risquent donc d’être réformées hâtivement pour d’autres raisons liées à diverses infections.

Comment réduire les risques par la biosécurité?

Au cours de la visite vétérinaire de la campagne PISAQ consacrée à la LBE d’une durée approximative de 2 heures, le producteur est sensibilisé aux répercussions de cette maladie sur la santé des animaux et sur la performance de son entreprise. Un plan d’action lui est ensuite proposé pour mettre en place des mesures adaptées à son troupeau et suivre l’évolution de la prévalence de la LBE. Pour ce faire, le logiciel Vigil-vet est mis à la disposition des médecins vétérinaires avec un module entièrement voué à la leucose.

Les modes de transmission identifient les points de contrôle

Les lymphocytes infectés se retrouvent principalement dans le sang. On peut aussi retrouver le virus dans d’autres liquides biologiques, comme la salive, les sécrétions nasales, le lait, le colostrum ou la semence.

Ainsi, la prévalence de la leucose est associée à la réutilisation d’aiguilles, l’augmentation du nombre d’injections chez les vaches adultes avant la mise bas, la réutilisation des gants d’examen transrectal, l’écornage à l’aide d’un écorneur coupant (type Barnes ou autre) et le manque de contrôle des insectes piqueurs. L’utilisation exclusive de l’insémination artificielle au lieu du taureau pour la reproduction entraine une diminution de la prévalence intratroupeau de la leucose bovine. Une étude a démontré que la congélation du colostrum permettait d’inactiver les lymphocytes infectés par ce virus, et selon une autre étude, la pasteurisation du lait permettait d’inactiver le virus de la leucose. Par contre, il faut se rappeler que le traitement thermique du colostrum peut affecter sa qualité immunologique. L’importance de la transmission par des contacts directs entre des bovins par la salive, les sécrétions nasales et la semence est sûrement sous-estimée. Finalement, la transmission in utero est aussi possible, particulièrement chez les mères en lymphocytose.

Les vaches affichant une charge virale élevée transmettent plus la maladie que celles présentant une charge virale faible. Actuellement, il n’existe pas de test commercial pour évaluer la charge virale des vaches. Toutefois, le comptage de lymphocytes sanguins (lymphocytose) et la valeur du résultat du test ELISA peuvent aider à identifier ces vaches super infectantes.

Alors, quoi faire?

Les bonnes pratiques de régie et de biosécurité à instaurer pour contrôler la transmission du virus sont présentées dans l’encadré. À noter que l’instauration de pratiques de régie et de biosécurité visant à limiter le risque de transmission de ce virus par le sang permet aussi de réduire la transmission d’autres maladies, comme l’anaplasmose (parasite sanguin transmis par les tiques).

Y a-t-il un risque pour les humains?

Selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), il n’y a pas pour le moment d’étude concluante indiquant un risque pour la santé humaine. Il est tout de même sage de favoriser un meilleur contrôle de la LBE dans l’industrie laitière.

Une campagne est en cours pour vous aider à établir une stratégie personnalisée et ancrée dans des actions pas si futuristes qui permettront de diminuer la prévalence de ce rétrovirus dans votre troupeau. Parlez-en à votre médecin vétérinaire.

Pratiques recommandées pour le contrôle de la LBE dans un élevage

  • Utilisation unique des aiguilles, des seringues et des gants d’examen transrectal.
  • Nettoyage et désinfection des instruments utilisés pour la pose d’étiquettes d’oreille, le parage d’onglons (couteaux et pinces gouges), le tatouage et l’écornage (écorneur tranchant).
  • Contrôle des insectes piqueurs.
  • Utilisation de colostrum ou de lait provenant de vaches testées négatives pour le virus de la leucose bovine (banque de colostrum congelé ou déshydraté).
  • Recours à l’insémination artificielle au lieu de la saillie naturelle par un taureau.
  • Séparation des bovins infectés.
  • Réforme des bovins infectés.