Maximiser la teneur en protéine brute des fourrages

On le sait, la protéine brute coûte cher dans les rations. Heureusement, les plantes fourragères permettent d’en apporter de bonnes quantités aux vaches, et ce, à un faible coût, comparativement aux concentrés. Y a-t-il un moyen d’avoir encore plus de protéines dans les fourrages?

Maturité et proportion de légumineuses

L’élément le plus important à considérer pour avoir un bon taux de protéine, c’est le stade de maturité. Lorsque les plantes fourragères avancent en croissance, la quantité de tiges augmente plus rapidement que celle des feuilles, ce qui fait chuter la teneur en protéine brute. Ce phénomène est aussi vrai dans les légumineuses que les graminées.

Les légumineuses contiennent plus de protéine que les graminées. Par contre, les mélanges à base de graminées aussi peuvent contenir de hauts taux de protéine. Récoltés à leur stade optimal pour des vaches en lactation (environ 30 % d’ADF), les mélanges à base de graminées contiennent près de 18 % de protéine brute, tandis que les mélanges à base de légumineuses peuvent en contenir plus de 20 %. Il est aussi intéressant de constater que les trois catégories de fourrage fournissent une quantité d’énergie comparable à l’animal. Même si les graminées contiennent un peu moins de protéines, elles contiennent plus de fibres NDF digestibles et de sucres.

En plus du stade de maturité à la récolte, la proportion de légumineuses dans le mélange est donc un autre élément incontournable à considérer. Cette proportion doit être ajustée lors du semis en fonction du reste de la ration. Par exemple, si on a une proportion importante d’ensilage de maïs, on priorisera des mélanges comportant une bonne proportion de légumineuses. Vous pouvez discuter de ce point avec votre conseiller en alimentation pour adapter vos mélanges fourragers en fonction de votre réalité à la ferme.

Si vous observez de la mortalité hivernale dans vos légumineuses, sachez qu’il est possible de réaliser un sursemis. La luzerne peut être semée de nouveau si la prairie a un an et moins, autrement le sursemis n’aura pas beaucoup de chance de succès étant donné le risque d’autotoxicité de la luzerne. Pour les luzernières plus âgées, on peut faire un sursemis de trèfle rouge. Dans tous les cas, il faut toujours évaluer au printemps si les populations en place sont réellement insuffisantes pour donner un bon rendement. Il faut aussi s’assurer qu’il y a un espace à nu adéquat pour que l’implantation réussisse. Des balises sont disponibles à lactanet.ca pour vous aider à vérifier si un sursemis est pertinent dans votre situation.

Maintenant qu’on a regardé le plus évident, y a-t-il autres choses à faire pour obtenir davantage de protéines dans nos fourrages?

Ne pas négliger la fertilisation

La fertilisation a un rôle important à jouer pour maximiser la protéine. Dans le cas des légumineuses, plusieurs recherches ont démontré qu’une carence en soufre pouvait faire chuter drastiquement le rendement (- 1 à 4 t MS/ha) et la teneur en protéine (- 3 à 4 unités de %). Pourquoi? Simplement parce que cet élément est crucial dans la fixation symbiotique de l’azote atmosphérique par la luzerne. Dans les années 1990, à cause de la pollution de l’air par le soufre, les sols bénéficiaient d’un apport atmosphérique relativement élevé en cet élément, ce qui rendait les carences généralement peu fréquentes. Mais étant donné la forte diminution de la pollution atmosphérique en soufre, les apports sont aujourd’hui beaucoup moins importants. On remarque donc de plus en plus des champs de luzerne carencés en soufre au Québec. Comment savoir si notre luzerne est en carence de soufre? D’abord, les plants carencés auront une apparence légèrement plus jaunâtre (voir la photo ci-dessous). Pour confirmer ou non s’il y a carence, il faut faire une analyse de la plante. Si la teneur en soufre est inférieure à 0,25 % de la matière sèche, c’est que la luzerne est en carence. Une fertilisation soufrée serait alors bénéfique.

Les graminées pourraient-elles aussi bénéficier d’une application de soufre? Actuellement, nous n’avons pas assez d’informations pour dire si la fertilisation en soufre des graminées serait une pratique économiquement intéressante dans nos conditions québécoises. Toutefois, on sait que la fertilisation en azote permet d’augmenter leur quantité de protéines. Des essais québécois ont démontré que chaque apport de 50 kg N/ha augmente la teneur en protéine brute d’environ 1 unité de % pour une première coupe de graminées. Il est donc important de suivre les recommandations indiquées dans votre Plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) concernant la fertilisation de vos prairies. Il faut noter que les légumineuses n’ont pas besoin d’engrais azotés et fournissent même une certaine quantité d’azote aux graminées grâce aux exsudats racinaires et à la décomposition de résidus végétaux. Ainsi, plus on a une proportion importante de légumineuses dans la prairie, plus la quantité d’azote recommandée diminue.

 

Parcelle de luzerne présentant une carence en soufre (à droite), comparativement à une parcelle de luzerne fertilisée en soufre (à gauche). Photo : Julie Lajeunesse, AAC

Attention aux feuilles pendant la récolte

Quand on cherche à maximiser la teneur en protéine des fourrages, il faut toujours se rappeler que les feuilles de légumineuses sont très riches en protéines, mais aussi très fragiles. Même si elles ne représentent que 50 % de la matière sèche du fourrage, elles contiennent 70 % de la protéine. Les conditionneurs peuvent entraîner une perte de feuilles, et donc de protéines. D’abord, quand les fourrages sont récoltés sous forme d’ensilage, la présence d’un conditionneur n’est pas nécessaire sur la faucheuse, et peut même être nuisible. Durant les premières heures de séchage, l’eau doit circuler dans la tige pour transpirer par les feuilles grâce à l’énergie du soleil. Le conditionnement réduit ce mouvement de l’eau dans les premières heures de séchage, mais est bénéfique quand on doit complètement sécher le fourrage pour faire du foin sec. Si la ferme produit un foin sec de légumineuse, elle doit prioriser les conditionneurs à rouleaux pour minimiser la perte de feuilles. Les conditionneurs à fléaux sont trop agressifs pour les légumineuses, mais fonctionnent très bien pour les graminées.

Manipuler le fourrage lorsqu’il est trop sec peut aussi entraîner une importante perte de feuilles. Il ne faudrait pas râteler le fourrage lorsque le niveau de matière sèche dépasse 60 %. Au moment idéal pour râteler, les tiges se fanent et pâlissent, mais les feuilles sont encore molles. Dès que les feuilles commencent à craquer, il est trop tard pour espérer râteler le fourrage sans perdre de feuilles. Évidemment, on doit aussi s’assurer d’ajuster nos équipements de récolte pour qu’ils ne soient pas trop agressifs.

Qualité de la protéine = qualité de l’entreposage

Une fois le fourrage récolté, il faut s’assurer que la qualité de la protéine est maintenue pendant le processus de conservation. Si on fait de l’ensilage, il faut s’assurer de respecter les règles de l’art pour que la fermentation soit rapide et efficace. Si la fermentation ne se déroule pas de façon optimale, certaines bactéries indésirables (les clostridies) peuvent dégrader une proportion importante de nos protéines. On sait que ces bactéries ont eu un impact négatif important sur l’ensilage quand on retrouve plus de 0,3 % d’acide butyrique et/ou plus de 15 % de la protéine brute sous forme d’ammoniac. Quand l’ensilage ou le foin chauffe, on peut aussi assister à une diminution de la qualité des protéines. Lorsqu’on dépasse une certaine température (35-40 °C), la réaction de Maillard se produit. Cette réaction lie une partie des protéines à la fibre ADF. Le résultat de cette réaction (PB-ADF) est tout simplement indigeste pour les ruminants. De la protéine qu’on jette aux poubelles! Quand plus de 10 % de la protéine brute se présente sous forme de PB-ADF, on sait que le fourrage a trop chauffé. En résumé, on peut dire que si vous souhaitez maximiser la teneur et la qualité des protéines de votre fourrage, le travail doit débuter dès le semis et se poursuivre jusqu’à ce que l’aliment soit devant vos vaches!