L’enquête s’est penchée sur des constructions réalisées entre 2017 et 2022, réparties à travers le Québec et représentatives des différents systèmes de traite, tailles de troupeaux et types d’étables (étables froides, étables pour taures et vaches taries, pouponnières). Chacune des constructions a été étudiée de façon à colliger des informations détaillées sur le bâtiment, ses équipements, le déroulement du projet, les coûts, le bien-être des animaux et leur productivité. Les résultats de l’étude permettent donc de mettre en relation les coûts de construction et l’impact sur la productivité des animaux ainsi que leur bien-être.
Combien ça coûte en 2023?
Tous les coûts ont été ajustés pour tenir compte de l’inflation durant la période 2017-2022. Une inflation de près de 40 % sur les coûts de construction des étables a été notée sur cette période de 5 ans. Il faut aussi mentionner que ces coûts excluent l’achat de vaches, de quota et les éléments externes aux bâtiments (p. ex. : fosses à fumier, entrepôts, silos). Ainsi, pour chaque projet, on obtient un coût ajusté pour refléter des coûts de construction en 2023.
On observe d’importantes disparités dans l’échantillon. Les coûts peuvent varier de plus de 5 000 $/place1, ce qui représente environ 30 % d’écart entre les constructions les plus et les moins dispendieuses. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces différences, comme le niveau d’automatisation et le type de logement. Mais les dépassements de coûts sont une des principales raisons. Certains producteurs ont eu du succès dans la gestion de leur chantier, la planification des travaux et la négociation avec les différents entrepreneurs et fournisseurs.
D’autres ont dû faire face à des délais, des changements d’entrepreneurs ou de fournisseurs, des soumissions incomplètes ou des modifications dans les travaux comme tels. Parmi les constructions incluses dans l’enquête, 40 % n’ont connu aucun dépassement de coûts. Mais près d’un quart des constructions ont connu des dépassements de coûts de plus de 10 % du budget initial. Pour ces fermes, cela représente en moyenne une augmentation des coûts de près de 3 000 $/place. Ces disparités soulignent entre autres l’importance de la planification et de la gestion de chantier, surtout dans le contexte économique des dernières années2.
Des différences selon la taille, le type de traite et de logement
Les résultats indiquent que le coût par pied carré du bâtiment seul (incluant excavation, béton, structure, électricité et plomberie) est sensiblement le même pour tous les types d’étables laitières incluses dans l’enquête, soit environ 60 $/pi3. Les différences proviennent donc surtout de l’équipement et de la superficie par place.
D’un côté, les étables robotisées coûtent plus cher en équipement par place, l’écart est d’environ 2 000 $/vache de plus. De l’autre, les étables avec salle de traite peuvent nécessiter plus de superficie par place. Mais, en fi n de compte, les étables robotisées demeurent plus chères quand on considère l’investissement total par place.
La taille des étables affecte aussi le coût de construction par place. On note, entre autres, que les étables pour les plus grands troupeaux occupent des superficies totales par vache moindres, ce qui entraine des coûts de construction par place plus bas. Ces réductions en superficie par vache proviennent en partie d’économies d’échelle sur certaines aires fixes (laiterie, préfosse, passages), mais aussi de choix des producteurs de réduire certains espaces (p. ex. : longueur de logettes, nombre d’allées de traverse, largeur d’allée de raclette) pouvant affecter négativement le confort des vaches.
Dans le cas des étables en traite robotisée, celles comportant trois robots ou plus coûtent nettement moins cher en équipement par place, en plus de nécessiter moins de superficie par place. On en arrive donc à un coût de construction par place qui peut atteindre 5 000 $ de moins que pour les étables à un ou deux robots.
De plus, les étables avec parc sur litière accumulée ou compostée coûtent plus cher par place. C’est en grande partie parce qu’elles demandent plus de superfi cie (de 50 à 60 pi2/vache de plus). Mais il faut ici mentionner que les coûts excluent les structures d’entreposage de fumier. Aussi, le choix d’une étable avec parc sur litière compostée peut réduire le besoin d’investir dans ces structures. Les choix de gestion et d’entreposage du fumier doivent donc être pris en compte pour bien évaluer l’impact du type de logement sur l’investissement total par place.
L’automatisation et les économies de travail
Bien sûr, la différence de coût d’investissement n’est qu’un des nombreux facteurs à prendre en compte lors du choix d’une étable. L’impact sur la production, les frais d’exploitation et le style de vie des producteurs sont d’autres aspects importants à considérer.
En moyenne, le choix d’automatiser certaines tâches est relié à une réduction du temps de travail. Par exemple, on note une différence significative de plus de 2,5 min/vache/jr entre les étables en traite robotisée et celles équipées d’une salle de traite. Cette différence vient confi rmer des données préexistantes chez Lactanet qui suggèrent une différence entre 3,8 min/vache/jour pour les troupeaux de moins de 100 vaches en lait, et 2 min/vache/jour pour les troupeaux de plus de 100 vaches.
Au total, l’automatisation de plusieurs tâches (traite, alimentation, litière) permet d’économiser environ 3,5 min/vache/jour, soit environ 21 h de travail par an/vache, et peut coûter près de 3 000 $ d’équipement/vache supplémentaire. Dépendamment de la valeur attribuée au travail et au coût de possession des équipements (DIRTA4), les différents niveaux d’automatisation peuvent donc se justifier économiquement. Toutefois, il faut noter que ces économies de main-d’oeuvre ne s’appliquent pas à tous les troupeaux.
Dans un contexte économique qui réunit pénurie de main-d’oeuvre et coût d’équipement, puis financement élevé, ces choix doivent faire l’objet d’une attention accrue et être analysés selon la situation particulière de chaque entreprise.
Et le bien-être des vaches?
L’une des mesures de bien-être considérées dans cette enquête est le rapport proAction qui est systématique dans toutes les fermes laitières depuis 2019. Le tableau 2 montre les évaluations moyennes de proAction des troupeaux avant et après l’entrée dans la nouvelle étable. On note une nette amélioration des mesures de bien-être avec l’entrée du troupeau dans une nouvelle étable. Les améliorations de certains aspects, concernant par exemple les blessures au jarret, semblent plus marquées pour les étables à logettes profondes ou les parcs sur litière. Les données nous permettent aussi de comparer les types de logement quant à la qualité du lait et au coût de la litière (voir le tableau 3).
Alors que les parcs sur litière sont associés à des indices proAction plus positifs, le s coûts de litière sont plus élevés et la qualité du lait est souvent affectée négativement (comptage de cellules somatiques plus élevé dans ces fermes). À l’inverse, selon notre enquête, les étables à logettes avec matelas offrent des coûts de litière moindre et une meilleure qualité du lait, mais leur indice proAction est moins élevé. Les bénéfices économiques liés au confort et au bien-être animal sont difficiles à évaluer, mais on devrait s’attendre à observer des bénéfices quant à la productivité et la longévité des vaches.
1 Le nombre de places renvoie au nombre d’animaux que le bâtiment peut loger en respectant les recommandations en vigueur.
2 Le projet a été fi nancé par l’entremise du Programme de développement sectoriel, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.
3 L’enquête inclut des étables de construction récente (2017-2022) en stabulation libre ayant une capacité allant de 62 à plus de 400 places. L’échantillon contient des étables avec différents niveaux d’automatisation et types de logement.
4 Dépréciation, Intérêts, Réparations et entretien, Taxes, Assurances.