Le cycle de vie d’une entreprise laitière : une roue qui tourne

Dans les revues, les conférences et les formations, on entend parler d’entreprises performantes. On dit souvent qu’elles ont une bonne rentabilité. Mais qu’en est-il au juste? La productivité est-elle l’unique facteur qui permet à l’entreprise de perdurer? Gagnerait-on à voir un peu plus large? Voici comment utiliser le nouvel indice de durabilité de Lactanet pour connaitre et maitriser les facteurs qui influencent le cycle de vie de votre troupeau.

Le cycle de vie du troupeau

La ferme laitière peut être comparée à une roue qui tourne. On a des veaux qui naissent. Certains se rendent jusqu’au vêlage où ils entrent dans le cycle de vie du troupeau. Au centre se trouvent les animaux productifs qui assurent le gagne-pain de l’équipe qui travaille à la ferme et qui font tourner la roue. Enfin, vient un moment où chaque animal quitte le troupeau, soit pour la réforme volontaire ou pas, soit pour cause de mortalité. Cela semble bien simple à première vue, mais quand on s’y attarde, on réalise que la régie, l’environnement, l’alimentation, la génétique, la main-d’œuvre et le quota influencent passablement la vitesse de notre roue qui tourne, c’est-à-dire du cycle de vie de notre troupeau. Lactanet s’est intéressée à la vitesse de cette roue. Et s’il était possible de l’estimer?

L’indice de durabilité

Parmi les données de contrôle laitier recueillies dans les fermes, un groupe d’experts a sélectionné des indicateurs pour former l’indice de durabilité. Lactanet en a retenu 10. Ces critères sont regroupés en quatre catégories : longévité et réforme, alimentation et production, génisses et taures, et santé. Exprimé sous forme de rang centile, l’indice de durabilité vous permet de vous comparer à l’échelle provinciale et nationale. Ainsi, vous pouvez visualiser rapidement les points forts et à améliorer de votre entreprise dans le but de poser des actions concrètes. Pour ralentir la vitesse de votre roue qui tourne, il faut agir sur le cycle de vie de votre troupeau.

La régie, l’environnement, l’alimentation, la génétique, la main d’œuvre et le quota influencent la vitesse de notre roue qui tourne.

Les particularités des meilleurs troupeaux

Vous êtes curieux de savoir ce qui distingue les meilleurs troupeaux selon l’indice de durabilité? En aout dernier, les indices de durabilité ont été calculés pour tous les troupeaux du Québec. Voici ce que nous avons appris au sujet des meilleurs troupeaux pour l’indice de durabilité (rang centile 90 et plus).

  • Ils ont une meilleure productivité par vache, soit 11 023 kg lait/année
  • Ils ont 45,7 % de vaches en 3e lactation et plus
  • Ils réforment moins de vaches (32,4 %)
  • Leur intervalle de vêlage est de 395 jours
  • Ils ont une moyenne de CCS de 137 000
  • Ils ont une valeur du lait de 780 $/vache/année plus élevée que la moyenne (8212 $/vache/an)

L’indice de durabilité sous la loupe

Longévité et réforme

  • Pourcentage de vaches en 3e lactation et plus
  • Pourcentage de réforme involontaire
  • Pourcentage de mortalité des vaches

Génisses et taures

  • Pourcentage de mortalité des veaux (0-24 hrs)
  • Âge au premier vêlage (mois)

Alimentation et production

  • Pourcentage de vaches avec urée < 5 et/ou > 18 mg/dl lait
  • Indice de régie*
  • Indice de transition (kg de lait)

Santé

  • Pourcentage de vaches avec un taux de beta-hydroxybutyrate (BHB) élevé (> 0,20 mmol/l lait)
  • Pourcentage de vaches avec un comptage de cellules somatiques (CCS) élevé (> 200 000 cell./ml lait)

* L’indice de régie est une valeur (positive ou négative) de kg de lait corrigé pour le gras et la protéine pour le troupeau. Il représente l’écart de production entre le potentiel génétique et la production réelle des vaches du troupeau qui étaient présentes lors du calcul de l’indice.

L’indice de durabilité à la Ferme Claude Larocque inc.

La Ferme Claude Larocque inc. : Troupeau ayrshire
Moyenne annuelle : 10 142 kg
Intervalle de vêlage : 394 jours

À la Ferme Claude Larocque inc., la durabilité, c’est important. Pour Claude, Joanie et Alexandre Larocque, une entreprise durable est synonyme d’animaux en santé qui vêlent bien année après année et qui restent longtemps dans le troupeau. L’un de leurs objectifs est de maintenir le pourcentage de vaches en troisième lactation et plus à 50 %. D’ailleurs, ils ont déjà parcouru passablement de chemin sur ce point, puisque leur troupeau est passé de 39 % de vaches en 3e lactation et plus en 2018 à 51 % en 2020. Bien entendu, pour atteindre leur objectif, ils doivent être rigoureux sur le nombre de taures à élever. « On vise un ratio taure/vache de 0,5 à 0,53. Quand on n’a plus de place pour loger les taures, c’est un signe qu’il faut en vendre quelques-unes », explique M. Larocque.

Avoir plus de vieilles vaches, est-ce que ça change quelque chose dans la régie du troupeau? Selon les Larocque, la prévention est importante, particulièrement au moment des vêlages des plus vieilles vaches. « Quand je sais que j’ai une vieille vache qui va vêler, dit Joanie, c’est certain que je vérifie plus souvent mes caméras de surveillance. » Également, ils administrent des bolus de calcium en prévention. Lors du vêlage, Alexandre insiste sur l’importance d’alimenter ses vaches rapidement en leur apportant de l’ensilage et de l’eau dès le vêlage terminé. Un des nombreux projets de la famille Larocque est de faire vêler leurs vaches en stabulation libre en enclos sur accumulation de litière. En attendant, ils s’assurent de fournir les stalles les plus grandes aux vaches qui vont vêler et ne comptent pas la litière qu’ils ajoutent dans ces stalles. « Toutes ces petites attentions en valent la peine parce qu’en fin de compte, elles produisent plus de lait et sont payées après la deuxième lactation », précise M. Larocque.

Et le comptage de cellules somatiques (CCS) dans tout ça? La gestion serrée de la santé du pis ne date pas d’hier chez les Larocque! Ordre de traite, vaccination pour la mammite et sélection rigoureuse des animaux font partie de la routine. Et les bons résultats qu’ils obtiennent en sont la preuve. Pendant les trois dernières années, le CCS a diminué en même temps que l’âge moyen de leur troupeau a augmenté, passant de 131 000 à 105 000.

En 2012, des modifications au logement des taures et des vaches taries ont été apportées : agrandissement des logettes des taures et aménagement d’un parc en stabulation libre avec logettes pour les taries. Maintenant, les taures grandissent mieux, et on sait que l’exercice est bénéfique pour les vaches. L’année dernière, des ventilateurs ont été installés au-dessus des vaches pour les rafraichir durant les périodes de stress de chaleur. Ce sera bientôt le tour des vaches taries, car des investissements sont prévus en ce sens. Les effets bénéfiques observés sur la consommation alimentaire des vaches les ont rapidement convaincus.

Comment comptent-ils utiliser l’indice de durabilité à la ferme? Les Larocque expliquent qu’ils devront apprendre à mieux connaitre l’indice, mais qu’ils pensent le voir comme un complément à l’indice de performance du troupeau (IPT) qui est plus un indicateur de production. Ils croient que l’indice de durabilité leur permettra de voir les points où ils peuvent encore s’améliorer. Une chose est certaine, comme le dit si bien Claude Larocque : « Des bonnes vaches durables, c’est signe d’une entreprise viable! »

De gauche à droite : Joanie Larocque, Andrée Chicoine, Claude Larocque et Alexandre Larocque.