Trouver sa voie comme essayeuse

Gabrielle Blanchet est une des rares femmes essayeuses au Québec. Beau temps, mauvais temps, elle roule pour ramasser le lait dans des dizaines de fermes de la Montérégie. Si aujourd’hui elle parle de son métier le sourire aux lèvres, on se doute bien qu’à ses débuts, tout n’était pas rose. De grands défis se sont dressés devant elle, et elle a su les relever. Récit d’une belle aventure.

Gabrielle est devenue essayeuse, il y a un an et demi. Elle était sur le point de terminer son DEP en conduite de camion lourd quand elle a été embauchée chez DGP Transport. « J’avais même pas terminé mes études quand j’ai envoyé mon CV, raconte-t-elle. Ils m’ont appelée et m’ont dit: “Finis ton cours, on va t’attendre”. » Gabrielle aurait pu choisir un autre type de camionnage, mais c’est le camion citerne qui l’attirait. « Mais pas nécessairement la citerne à lait », s’empresse-t-elle de préciser. La jeune femme l’avoue d’emblée, elle n’avait pas d’intérêt pour la production laitière au départ. « Quand j’ai commencé, c’est à peine si je savais c’était quoi une vache! dit-elle en rigolant. J’avais aucune expérience dans le monde agricole. »

Aujourd’hui, elle ne regrette pas son choix. « La production laitière, c’est un milieu vraiment le fun à découvrir. Souvent, les producteurs vont essayer de paraître tough, mais ils ont tellement un grand cœur, ils sont vraiment gentils, affirme-t-elle. À Noël, il y en a même qui nous laisse des messages, des surprises ou des cadeaux pour nous remercier. Ils sont reconnaissants du travail qu’on fait. » L’essayeuse explique que sa routine de travail lui permet de créer des liens, et parfois une belle complicité, avec les producteurs, ce qui selon elle est un avantage : « Je passe à leur ferme tous les deux jours, donc on finit par se connaître. J’ai même le numéro de téléphone de certains d’entre eux. Je leur envoie des textos quand je vois qu’il y a peut-être un problème dans leur ferme. »

 

Gabrielle est essayeuse depuis un an et demi. « Ça faisait des années que j’y pensais, mais j’avais peur de ne pas être capable de reculer un camion et de conduire manuel. Finalement, je me suis dit: “Go, vas-y!” », se souvient-elle.

Passer à travers l’hiver

Comme les producteurs de lait, les essayeurs travaillent 365 jours par année. Le premier hiver de Gabrielle sur la route a été tout un défi. «Les tempêtes, c’est vraiment pas évident. J’ai déjà appelé mes boss en pleurant parce que j’étais prise dans une cour. Il y a des fois où j’avais le goût de leur dire: “Tenez, v’là les clés, c’est fini, je ne le veux plus votre camion”», se souvient-elle. Ses patrons ont toujours réussi à la convaincre de rester. Elle n’a d’ailleurs que de bons mots pour eux : « On va se le dire, un camion de lait, c’est un mastodonte! J’en ai fait des gaffes et des erreurs, mais mes patrons ont toujours été patients. Ils se sont toujours assis avec moi pour comprendre ce qui s’était passé. Ils m’ont laissé le temps d’apprendre. » Présentement, elle roule son deuxième hiver avec plus d’assurance. Elle explique : « J’ai appris et maintenant je prends mon temps. Si j’ai besoin de 3 heures de plus pour faire ma journée, parce que je suis dans une tempête, c’est pas grave. »

Gabrielle a aussi appris à composer avec les automobilistes impatients qu’elle côtoie sur la route. Elle raconte : « Les reculons, c’est ce que j’aime le moins faire. Souvent, on doit reculer à partir du chemin dans des entrées de cour et on bloque la circulation. Les gens sont impatients et nous laissent pas manœuvrer comme on veut. » Comme elle travaille en Montérégie, elle doit souvent aller livrer le lait dans des usines de Montréal. « Le trafic, c’est pas toujours évident non plus », poursuit l’essayeuse.

Être essayeuse vient avec de grandes responsabilités. Gabrielle explique : « Si j’accepte un lait qui n’est pas de la bonne couleur, qui a une mauvaise odeur ou dont la température est trop élevée, c’est mon employeur qui doit payer la perte du compartiment. »

Prendre sa place comme femme

Pendant qu’elle découvrait la production laitière et qu’elle apprivoisait la complexité de la conduite en hiver, Gabrielle devait aussi prendre sa place dans un milieu encore très masculin. Elle explique : « Comme femme, t’as pas le choix de prendre ta place sinon tu vas te faire embarquer sur la tête. C’est quelque chose qui est difficile à faire parce que plusieurs croient qu’il n’y a pas de femmes essayeuses. Quand ils en voient une, ils sont ébahis. »

« Je suis une fille qui aime rigoler et faire des blagues. J’adore parler aussi. Je crée des liens et je deviens amie avec les producteurs, les autres transporteurs et mes collègues des usines. C’est ma façon de prendre ma place », poursuit-elle. Gabrielle affirme que pour réussir et continuer dans le domaine, il faut aussi mettre ses limites. « Les gens me connaissent maintenant, ils savent que je ne me laisse pas faire. Quand ça fait pas mon bonheur, je le dis », résume-t-elle.

Après un an et demi à sillonner les routes et à livrer le lait, Gabrielle sait qu’elle a fait le bon choix de carrière. « Ce que j’aime le plus, c’est la liberté! », lance-t-elle. Pour Gabrielle, la liberté, c’est rencontrer des gens, voir du paysage et faire de la conduite son gagne-pain. Elle conclut : « Bien sûr, j’ai des comptes à rendre à mes patrons, aux producteurs et aux usines, mais je suis payée pour me promener en campagne! Je suis aussi vraiment fière de contribuer à la société, parce que du lait, on en a besoin. »

Un grand merci!

L’entrevue a été réalisée et les photos ont été prises à la Ferme J. M. Jodoin & Fils inc. située à Sainte-Madeleine, en Montérégie. Merci à Jean-Philippe et Marc-Antoine Jodoin pour leur accueil chaleureux et le temps consacré à la réalisation du reportage.

Cet article n’aurait pu être créé sans la collaboration de DGP Transport. Merci pour votre implication précieuse!