Allonger l’étable et ajouter des attaches ou installer un robot de traite? C’est le choix devant lequel Marie-Ève Poulin et Pascal Quirion étaient placés en 2022. Le couple de Saint-Prosper, en Beauce, manquait d’espace. Il avait acquis son entreprise en 2018 dans le cadre d’un transfert non apparenté. Au moment du transfert, celle-ci comptait une cinquantaine de vaches en lait et elle disposait d’un quota de 54 kilos de matières grasses. L’étable mesurait 116 pieds de long sur 58 de large. Les vaches étaient logées dans deux rangées de stalles derrière à derrière avec une petite section tête à tête, alors que c’est une section de logettes qui accueillaient les taures. Le propriétaire précédent avait élargi l’étable en 2005 pour aménager cette section.
Dès qu’ils ont pris possession de l’entreprise, Marie-Ève et Pascal ont commencé à acquérir du quota. Si bien qu’au bout de 4 ans, ils en détenaient 69 kilos et la capacité de l’étable ne suffisait plus. « Notre première idée était de rallonger l’étable tout en gardant les attaches, raconte Pascal. On a calculé ce que coûteraient 40 ou 50 pieds de plus. Mais les nouvelles normes sur le bien-être animal nous ont fait réfléchir. »
« Alors, on a élaboré un projet robot tout en tenant compte des exigences du bien-être animal, poursuit-elle. Comparativement à un rallongement de l’étable, ça revenait à environ 200 000 dollars de plus. Autrement dit, c’est l’équivalent du coût du robot lui-même. Pour ce qui est du bâtiment, c’était du pareil au même. »
« On a aussi considéré le fait que rallonger l’étable allait entraîner une augmentation importante de notre charge de travail à cause de la façon dont l’étable était aménagée, enchaîne Marie-Ève. Or on est loin de tout et la main-d’oeuvre est très rare dans le coin. On n’a pas non plus de famille pour nous aider. On est juste moi et lui et lui et moi! »
Des atouts et des compromis
La transformation d’une étable à attaches en étable robotisée n’est pas toujours techniquement possible et, quand ça l’est, elle peut parfois entraîner de tels compromis techniques qu’il demeure préférable finalement de rebâtir en neuf. Dans le cas de Pascal et Marie-Ève, toutefois, de solides atouts militaient en faveur d’une transformation. À commencer par les dimensions du bâtiment. « On n’a pas eu à ouvrir un seul mur! », lance Pascal. Ensuite, ils bénéficiaient déjà d’une rangée de logettes. « C’est un coup de chance, dit sa conjointe. Ça a sauvé des coûts. On n’a pas eu à retoucher cette partie-là. On a juste changé les logettes. »
Par ailleurs, un an avant de lancer le projet, les producteurs avaient équipé l’étable d’une ventilation tunnel. Ils n’ont eu qu’à l’améliorer en installant deux ventilateurs plus performants. Finalement, la finition des murs et du plafond avait été refaite par le propriétaire précédent.
Évidemment, les propriétaires de la Ferme Éloanne ont dû faire certains compromis. À titre d’exemple, ils devaient construire une nouvelle fosse, et ce, qu’ils allongent l’étable ou la robotisent, car l’ancienne était trop petite. Dans le cadre du projet de rallonge, cette fosse à fumier solide couverte aurait fini éventuellement un jour en remise à machinerie. Alors que dans le cas du projet robot, comme il ne restait plus assez de place dans l’étable pour les taures et les taries, le couple a décidé de la convertir en étable froide.
Par ailleurs, dans l’étable principale, l’aménagement des 55 logettes les a obligés à limiter à 16 pieds la largeur de l’aire d’attente devant le robot. « C’est le minimum recommandé par le MAPAQ, indique Pascal. Idéalement, il aurait fallu 20 ou 22 pieds. On est un peu serrés. Nos vaches pèsent en moyenne 680 à 700 kilos. Ce n’est pas qu’elles soient tellement grandes, c’est plutôt qu’elles sont “bacaisses” ».
« On a fait aussi un compromis sur les raclettes, poursuit la productrice de 36 ans. On aurait voulu des raclettes à câble, mais on avait déjà une raclette hydraulique dans la section des taures. Ça fait très bien le travail, mais c’est un peu plus long et ça demande un peu plus d’énergie. » Marie-Ève poursuit : « Le dernier compromis qu’on a fait par rapport à une étable neuve, c’est la hauteur de plafond dans la vacherie. On a huit pieds. Si le robot avait été plus haut d’une couple de pouces, il n’aurait pas pu entrer. Et quand les vaches se grimpent, les fluorescents ne sont pas loin! »
« Au bout de l’étable, enchaîne Marie-Ève, on a huit pieds. Idéalement, il en aurait fallu 12 pour installer de beaux gros abreuvoirs. Mais ça fonctionne très bien pareil. Ensuite, il y a le bain de pied, qu’on a dû installer au bout de l’étable. Ça nous ajoute un peu d’ouvrage. On y fait passer les vaches en nettoyant les logettes. Les lever, gratter les logettes, mettre la chaux et la ripe, diriger les vaches vers le bain de pied, c’est une demi-heure de travail deux fois par semaine. »
Quatre fois moins cher qu’une étable neuve
Parlant de robot, les propriétaires de la Ferme Éloanne ont opté pour un modèle GEA lancé en 2018. Ils l’ont acquis directement d’un concessionnaire, qui en a assuré le reconditionnement. Le robot avait servi pendant quatre ans. « Par rapport au modèle 2023, c’est la conception de la porte de sortie, à laquelle est intégrée la mangeoire, qui constitue la principale différence », précise Pascal.
Les autres équipements de l’étable des vaches ont plutôt été achetés neufs. Ceux-ci comprennent les matelas et les subdivisions des logettes, les barrières, le tapis à raclette et une raclette (l’autre était déjà en place tout comme l’agitateur et la pompe). La grande question, c’est évidemment : combien tout cela a-t-il coûté? Marie-Ève et Pascal y répondent avec ouverture et franchise. « Le robot de traite, le compresseur, l’assécheur, la pompe à vide, les colliers, le logiciel et l’ordinateur sont revenus à 180 000 $, indique la productrice. En neuf, ce serait environ 300 000 $ en date d’aujourd’hui, selon le fournisseur. Donc, en achetant de l’usagé, on a économisé autour de 100 000 $. »
« Notre projet complet a coûté 623 000 $ au total, poursuit-elle. L’étable à vaches, incluant tous les équipements, est revenue à elle seule à 471 000 $. S’ajoutent la fosse et l’étable froide. On calcule que construire en neuf aurait coûté quatre fois plus cher. » Elle précise que de ce coût total, il faut déduire les subventions reçues pour la fosse à lisier et l’adaptation aux normes du bien-être animal, qui s’élèvent à 112 000 $. Par ailleurs, la revente d’anciens équipements a rapporté 18 000 $.
Importante économie de temps
Le couple se dit on ne peut plus satisfait de la robotisation de son étable. « Au point de vue qualité de vie, c’est incomparable, lance Marie-Ève. On sauve beaucoup de temps. L’ouvrage qu’on devait accomplir à deux auparavant, une personne peut le faire toute seule maintenant. On a gagné aussi de la flexibilité d’horaire et l’ouvrage est beaucoup moins dur physiquement. »
Les résultats technico-économiques répondent aussi à leurs attentes. Les vaches subissent en moyenne 3,2 traites par jour et leur production a grimpé de 11 % pour atteindre 1,5 kilo de gras par jour. Au moment d’amorcer la transformation de leur étable, ils produisaient 69 kilos de matières grasses. Leur production atteint maintenant 76 kilos.
« On a rarement besoin de pousser de vaches vers le robot, dit Pascal. Les deux ou trois vaches qui font problème, c’est parce qu’elles ont des trayons mal placés et que le robot ne peut s’y attacher. Il faut les attacher à la main deux fois par jour. »
« On n’a vraiment pas l’impression d’avoir des installations de deuxième classe, conclut sa conjointe. C’est sûr que ce n’est pas un aréna de deux millions avec plafond cathédrale. Mais elles sont efficaces et l’agrément de travail est au rendez-vous. Même que notre vétérinaire a suggéré à un autre producteur de venir visiter notre étable et le gars pense maintenant réaliser le même projet que nous! »
Si c’était à refaire
Les propriétaires de la Ferme Éloanne sont très satisfaits de la transformation de leur étable. « Si c’était à recommencer, avec les moyens qu’on avait, on referait exactement la même étable avec les mêmes plans », affirme Marie-Ève. La seule ombre au tableau ne concerne pas les travaux en soi, mais le choix qu’ils ont fait de louer une étable pour y loger leur troupeau pendant les travaux. Les vaches ont passé 10 semaines dans cette étable située à 20 minutes de route. « Ça a été de l’ouvrage, se rappelle la productrice. La ventilation là-bas laissait à désirer. En plus, on a eu un problème d’acidose dans le troupeau. Probablement qu’on soignait trop fort en concentrés. » « On aurait plutôt dû louer notre quota et louer des vaches à des producteurs robotisés, conclut-elle. Ça nous aurait dispensés de la charge de travail. La supervision du chantier était quand même accaparante. »