C’est dans la nature d’un producteur de chercher sans relâche à accroître la rentabilité de son exploitation. Évidemment, il existe différents moyens d’y arriver. Lors du dernier Symposium sur les bovins laitiers, les conférenciers Rodrigo Molano et Léonie Laflamme-Michaud ont démontré qu’il est souvent possible de réaliser des gains importants chez les sujets de remplacement.
Précisons que le premier est stagiaire postdoctoral chez Lactanet alors que cette dernière est étudiante au doctorat à l’Université Laval. Il n’est probablement pas nécessaire de le rappeler, mais amener une taure à son premier vêlage représente un investissement financier important. Pour l’évaluer avec précision, les deux chercheurs ont monitoré un groupe de 87 fermes pendant une année complète.
En moyenne, le coût d’élevage de ces exploitations s’élevait à 4 863 $1. Il y a toutefois un constat encourageant qui se dégage de cette étude : certains producteurs font beaucoup mieux que 4 863 $. Ainsi, la tranche de 20 % des fermes les plus performantes obtient un coût d’élevage moyen de seulement 3 182 $. C’est 30 % de moins que la moyenne! On peut en déduire que dans plusieurs entreprises, il y a une opportunité de réaliser un gain financier significatif.
Alors, comment faire pour réduire ses coûts d’élevage? Ces spécialistes proposent de se concentrer sur trois éléments.
1. Du sevrage à 12 mois
Les deux chercheurs ont décortiqué les dépenses de l’ensemble des 87 fermes. La figure 1 détaille celles-ci. La durée d’élevage complète est subdivisée en périodes de trois mois (à l’exception de la période 18 mois-préparation au vêlage, qui est plus longue). Chaque colonne se compose de quatre strates de différentes couleurs correspondant aux frais d’alimentation, à la main-d’oeuvre, aux autres frais variables et aux autres frais fixes. Le point important à noter ici est que, quelle que soit la période, l’alimentation et la main-d’oeuvre constituent la majeure partie du coût d’élevage.
Est-ce à dire qu’on devrait considérer en priorité ces deux composantes? C’est ce que concluent les chercheurs après avoir analysé les données des 20 % des entreprises les plus performantes. Le fruit de cette analyse apparaît à la figure 2. Celle-ci comporte les mêmes colonnes que la figure 1 sauf qu’on a accolé à chacune une colonne plus pâle indiquant les résultats des 20 % supérieures. On peut observer que c’est surtout sur l’alimentation et la main-d’oeuvre que ces dernières font des gains par rapport à l’ensemble des fermes. « D’une ferme à l’autre, le coût d’alimentation peut varier du simple au double! », donne en exemple Rodrigo Molano.
Les auteurs de l’étude vont plus loin dans leur recommandation. Ils suggèrent de concentrer ses efforts sur une période particulière : du sevrage à 12 mois. Rodrigo Molano explique : « C’est la période où le taux de croissance est le plus élevé et où le coût du gain est le plus bas en comparaison des autres stades » (voir la figure 3).
2. Saillir au bon stade
Un second élément sur lequel ces chercheurs proposent de se concentrer pour réduire son coût d’élevage est le stade de saillie. Leur enquête révèle qu’en moyenne, on pourrait saillir deux mois plus tôt sans compromettre la maturité. La première conception survient à 15,1 mois, alors qu’optimalement, elle devrait se situer à 12,9 mois. « Quand on saillit tardivement, cela ne menace pas la production, souligne Rodrigo Molano. Mais on a l’opportunité en saillant plus tôt de faire une économie. »
Les chercheurs rappellent qu’il est recommandé de saillir lorsque la taure atteint 55 à 60 % du poids mature du troupeau. Cela permet à l’animal d’atteindre 82 à 85 % de son poids mature au vêlage. Sa première lactation devrait alors équivaloir à 80 à 83 % de celle de la vache mature typique du troupeau.
Cette recommandation vient avec un rappel important : le poids mature est spécifique à chaque troupeau. À preuve, dans cette étude, celui-ci varie de 662 à 892 kilos.
3. Rationaliser l’inventaire de génisses
Le coût d’alimentation, le coût de main-d’oeuvre et le stade de saillie sont tous des indicateurs utiles pour évaluer comment une entreprise performe en élevage. Il existe toutefois un autre indicateur que les deux spécialistes considèrent encore plus révélateur : le coût d’élevage par hectolitre de lait produit. « C’est un paramètre qu’on trouve particulièrement intéressant parce qu’il est plus complet, déclare Rodrigo Molano. Non seulement il prend en compte les différents paramètres mentionnés jusqu’à maintenant, mais il est très influencé par le ratio taures/vaches. »
Le fait est qu’un producteur peut avoir un excellent coût d’alimentation et de main-d’oeuvre et saillir ses génisses au stade optimal, mais subir un manque à gagner s’il amène trop de taures à leur première lactation. « Est-ce que vos génisses remplacent ou déplacent vos vaches? », lance le chercheur. Les 87 troupeaux analysés comptent en moyenne 0,7 sujet de remplacement par vache. Il propose de viser 0,5 à 0,6. « Si le ratio est trop élevé, c’est doublement coûteux, note-t-il. D’une part, élever ces génisses coûte cher. Et d’autre part, on risque de déplacer des vaches qui sont très rentables » (voir la figure 4 pour le calcul de ce ratio). « Je suis conscient que c’est très difficile de réduire ce ratio, ajoute-t-il. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des outils pouvant vous guider. » Une autre bonne nouvelle, c’est que l’impact économique d’un bon coût d’élevage par hectolitre de lait produit peut être majeur. Dans le groupe des 87 fermes, les 20 % supérieures couvrent leurs frais d’élevage six mois plus tôt que la moyenne, soit après 37 mois plutôt que 43. De plus, elles font beaucoup plus de profit durant la vie complète de l’animal, soit 7 836 $ contre 5 188 $. Cela, même si leurs vaches présentent la même longévité et le même nombre de lactations que la moyenne des troupeaux.
« On espère vous avoir convaincus qu’il y a un bon potentiel d’amélioration chez les sujets de remplacement », a conclu Rodrigo Molano au terme de la conférence.
1 L’étude s’est déroulée d’avril 2021 à mai 2022. En ce début de 2024, il y a tout lieu de croire que ce coût excède maintenant les 5 000 $.