Ana Maria Martin, nouvelle administratrice aux PLQ

Ana Maria Martin est la nouvelle présidente des Producteurs de lait de la Montérégie-Ouest. Rencontre avec une administratrice qui veut assurer la pérennité des fermes, quelle que soit leur taille.

Ana Maria a commencé à s’intéresser aux instances des Producteurs de lait du Québec (PLQ) quand elle est devenue productrice en 2013. « J’allais aux réunions, je voulais donner mon opinion, échanger avec les gens et, parfois, argumenter sur certains sujets », raconte-t-elle. Ana Maria a occupé le rôle de déléguée substitue en 2016, puis d’administratrice de son syndicat régional quatre ans plus tard. « La piqûre a embarqué! », résume-t-elle.

« Quand notre président, Peter Strebel, nous a annoncé qu’il faisait son dernier mandat, j’ai accepté, avec un grand vertige, de prendre la relève, poursuit la nouvelle administratrice. C’est un rôle très important et je ne le prends pas à la légère. J’ai accepté parce que l’ensemble du conseil d’administration de ma région était derrière moi. » Elle est la première femme présidente des PLQ de la Montérégie-Ouest et la deuxième femme à faire partie du conseil d’administration des PLQ. « Ç’a créé beaucoup d’intérêt autour de moi. J’ai reçu des témoignages de femmes qui étaient fières et qui trouvaient positif de voir une femme sur le CA des PLQ, dit-elle. Ça me met une pression supplémentaire. Je veux être à la hauteur. »

Les dossiers qui lui tiennent à cœur

Quand on lui demande quels dossiers lui tiennent le plus à cœur en tant qu’administratrice, Ana Maria répond sans hésiter : « Maintenir le plus grand nombre de fermes. » Elle explique : « Il faut qu’on voie quelles sont les disparités entre les plus grosses et les plus petites fermes et comment chacune peut être durable. » Son objectif est d’identifier les facteurs qui permettraient d’assurer la pérennité de toutes les fermes. « Les producteurs qui ont 50 kilos de matières grasses et moins sont plus nombreux à abandonner. Où est le problème? Est-ce que c’est un manque de relève, une impossibilité d’accroissement? Il faut se pencher là-dessus pour trouver des solutions », indique-t-elle, avant de poursuivre : « Les PLQ, c’est une organisation efficace et représentative, mais si le nombre de fermes continue de diminuer, quel sera notre poids vis-à-vis du gouvernement? Ça m’inquiète, il faut se questionner. »

Parmi ses priorités, notons également la protection de la gestion de l’offre et l’amélioration du revenu des producteurs. « Il faut veiller à ce que les décisions et les orientations de l’organisation optimisent au maximum le prix payé aux producteurs, affirme-t-elle. Comme membre du CA, c’est également primordial de prendre des décisions en ayant en tête l’ensemble des producteurs et non ce qui se passe chez nous à titre individuel, dans nos fermes. »

Ana Maria s’investit aussi dans l’organisme Au cœur des familles agricoles. La santé psychologique des producteurs et productrices est un sujet qui lui est cher. « Prenez soin de vous, leur demande-t-elle. Souvent, nos animaux passent en premier, mais il faut penser à nous aussi. » Elle invite donc ceux et celles qui en ont besoin à ne pas attendre avant de parler à quelqu’un.

De la ville à la ferme

Ana Maria n’a pas grandi dans une ferme. Elle est née en Espagne et est arrivée au Québec quand elle avait 3 ans. « Mes parents avaient un restaurant en Gaspésie. On est restés trois années là-bas, puis on est déménagés à Laval où j’ai fait mon primaire et mon secondaire », raconte-t-elle. C’est une histoire d’amour qui l’a amenée dans une ferme laitière. « L’été avant mon secondaire 5, j’ai croisé Michel, un fils de producteurs laitiers, dans un camping. L’amour est tombé. On a vécu pendant six ans à distance. Il venait me chercher toutes les fins de semaine à Laval. Il en a juste manqué une pendant la crise du verglas », se souvient-elle.

Elle poursuit : « Je suis aussi tombée en amour avec l’agriculture. Je suivais Michel partout. Mais je continuais mes études, je voulais mon indépendance. J’ai un DEC en éducation à l’enfance, j’ai été éducatrice pendant 15 ans. Dans mes temps libres, j’aidais à la ferme », dit-elle. Quand les parents de son conjoint ont pris leur retraite en 2013, Ana Maria a intégré la Ferme Lorami.

Qu’est-ce qu’elle apprécie le plus de son métier? « L’animal, je l’aime beaucoup! Au début, dit la productrice, l’animal en soi me faisait peur, j’étais impressionnée, mais j’ai appris à connaître mes vaches et à créer un lien avec elles. » Ana Maria apprécie aussi la variété des tâches qu’apporte la gestion d’une entreprise laitière. « On a une certaine routine, mais les journées ne se ressemblent jamais. On est dehors, dans un bel environnement, on contribue à la société en fournissant un aliment sain. Ce n’est pas juste un métier, c’est un mode de vie. Je ne retournerais pas à autre chose », résume-t-elle.

Ana Maria et Michel ont quatre fils : Miguel, 22 ans, Antoine, 20 ans, Enzo, 16 ans et Raphaël, 13 ans. « Ça bouge chez nous avec quatre gars, ce n’est jamais tranquille », rigole Ana Maria. Le passage de salariée en entrepreneure lui a d’ailleurs apporté une précieuse flexibilité pour la vie de famille. « Antoine a un handicap, et dans mon ancien emploi, c’était difficile de prendre congé pour des rendez-vous médicaux, donne-t-elle en exemple. Ç’a été très positif pour moi d’intégrer la ferme. J’organisais l’horaire comme je le voulais. »

De gauche à droite : Enzo, Miguel, Raphaël, Ana Maria et Michel

De nombreux défis

Quand Ana Maria a intégré l’entreprise, Michel et elle ont décidé de se lancer dans un grand projet de construction pour améliorer entre autres le bien-être des animaux et les performances de l’entreprise. « La ferme datait de 1903 et elle avait besoin d’être modernisée. On a décidé de construire un nouveau bâtiment avec un robot de traite. C’est un investissement majeur qui nous a permis d’augmenter la productivité et la longévité des animaux. »

Leur élan a toutefois été freiné rapidement. Ana Maria explique : « En 2015, il y a eu la chute du prix du lait et, en 2016, on a eu de la fièvre de lait chez les fraiches vêlées. Plusieurs de nos plus hautes productrices sont décédées. On a cherché la cause longtemps pour finalement découvrir que notre foin sec était trop haut en potasse. »

Le couple n’était pas au bout de ses peines. « En 2018, nos vaches ne collaient plus! Il n’y avait plus d’activités. On cherchait pourquoi et on ne trouvait rien, dit Ana Maria. En testant l’eau de nos puits, on s’est rendu compte que les bactéries étaient dans le tapis. L’eau contaminée cassait notre cycle. J’ai alors fait beaucoup de représentations à la ville pour qu’on soit raccordés à l’aqueduc. » Les démarches n’ont pas porté fruit à ce jour, les producteurs se connectent donc chez un voisin et ont installé un conteur d’eau, en attendant.

Ana Maria et Michel ont dû revoir leur budget pour faire face à ces imprévus qui sont survenus au fil des ans. « On a tout réévalué pour être plus économes, précise la productrice. Notre but, c’est d’atteindre un certain équilibre entre la performance laitière et la rentabilité. »

« Il n’y a rien eu de facile depuis le début, poursuit-elle. Alors, quand je rencontre des producteurs, je sais avec quel stress ils peuvent vivre. Je suis sensible à l’humain derrière la production. »

Personne n’a de responsabilités préétablies dans l’entreprise. Il y a plutôt un tableau où toutes les tâches à réaliser sont affichées. Quand quelqu’un fait la tâche, il la coche tout simplement. « J’ai créé ce tableau quand je suis devenue administratrice, parce qu’avant, tout était dans ma tête. Avec toutes les réunions que j’ai maintenant, ça devenait compliqué à gérer », explique Ana Maria.

Des projets pour le futur

Aujourd’hui, l’entreprise va bien et Ana Maria et Michel ont de beaux projets. « La cinquième génération vient d’arriver dans l’entreprise, lance fièrement la productrice. Notre plus vieux, Miguel, s’est joint à nous au printemps et Enzo est aussi intéressé à prendre la relève. » Pour le moment, la ferme en stabulation libre avec traite robotisée compte 60 vaches en lactation et possède un quota de 80 kilos de MG. Le couple cultive 100 hectares. La moitié des terres sert à l’alimentation du troupeau et l’autre moitié fournit du maïs grain destiné à la vente.

« Comme on a de la relève, on veut augmenter notre quota à 120 kilos dans les prochaines années et améliorer le rendement de nos cultures », dit-elle. Pour libérer de l’espace dans leur bâtiment et agrandir le troupeau, les producteurs prévoient de construire un dôme. Les vaches taries et en préparation au vêlage y seront logées. « Ça nous permettra d’utiliser le bâtiment principal uniquement pour les vaches en lactation. On veut aussi passer à deux robots, éventuellement », précise Ana Maria. L’amélioration de la génétique du troupeau fait également partie de leurs priorités.

Quand ils ont construit leur bâtiment, Ana Maria et Michel ont opté pour la litière de sable. Toutes les vaches du troupeau, y compris la relève, en bénéficient. « C’est le meilleur choix pour la vache, mais pas pour les équipements, affirme Ana Maria. Au début, ça ne paraît pas, mais après 10 ans, on voit la différence surtout pour la raclette et le piston. On est en réflexion pour le futur, on pourrait changer la litière. »

La famille, sa fierté

Ana Maria est heureuse d’avoir pu bâtir une entreprise qui lui ressemble avec sa famille. « Je suis fière de mon parcours en général, mais ce dont je suis le plus fière, ce sont mes garçons. Je les trouve extraordinaires! Et cette année, Michel et moi avons fêté nos 30 ans ensemble. On est encore plus amoureux que dans nos premières années. Je suis fière de cette belle complicité qui s’est installée entre nous. »