Marier robots de traite et balles rondes

Notre défi , c’est de servir de bons fourrages 365 jours par année.

Il y a longtemps qu’on fait des balles rondes à la Ferme D. M. Groleau. Les premières y ont fait leur apparition dès 1989. Et depuis 2009, tous les fourrages sont entreposés en balles rondes.

Quand Denis et son fils Charles ont construit leur étable robotisée en 2019, la question s’est évidemment posée : vaut-il mieux rester aux balles rondes ou passer à un autre système d’alimentation? Il faut dire que rares sont les producteurs québécois possédant plus de 250 vaches qui ont choisi de combiner robots de traite et balles rondes. Le quota à produire de l’entreprise s’élève à 275 kilos de matières grasses, incluant le quota de la relève.

« On a réfléchi à d’autres options, souligne Denis. Une option était de conserver les balles rondes, d’acquérir un mélangeur et d’introduire le maïs ensilage en l’entreposant en silo horizontal ou en agbag. Une autre option consistait à remplacer les balles rondes par de l’ensilage de foin entreposé en silo horizontal et de faire aussi du maïs ensilage. »

Ces producteurs de Thetford Mines constataient toutefois que les deux options impliquaient de mécaniser et d’investir beaucoup alors qu’ils faisaient déjà un investissement majeur en robotique. « On s’est dit : pourquoi on n’essaierait pas les balles rondes? », explique Denis.

Ils étaient rassurés par le fait qu’ils avaient déjà pu faire un test. « Avant de bâtir la nouvelle étable, raconte Denis, on avait 40 vaches sur 150 qui étaient en logettes alors que les autres étaient attachées. Tout comme les vaches attachées, les vaches en logettes consommaient des balles rondes. Elles avaient aussi accès à une station d’alimentation pour les concentrés. De leur côté, les vaches attachées recevaient six repas de concentrés par jour. Or on avait constaté que les deux groupes de vaches avaient la même production de lait. »

Trois ans plus tard, ces producteurs de Thetford Mines ne regrettent pas leur choix. Un choix dont le mérite premier est de s’avérer économique. « Si on s’équipait d’un mélangeur, notre coût de production augmenterait de 30 à 40 cents par kilo de matière grasse », ont-ils calculé.

Globalement, l’entreprise maintient actuellement un pourcentage de dépenses de 50 % et un pourcentage de salaires de 10 %. « Le passage aux robots de traite a fait monter un peu nos dépenses, dit Denis. En revanche, il a entraîné une diminution des charges salariales. »

Depuis deux ans, la production de leur troupeau holstein oscille entre 31 et 32 litres de lait par vache et par jour, soit l’équivalent d’environ 410 kilos de matière grasse par vache et par année. Il explique : « On cherche évidemment à améliorer la performance de production des vaches, mais on ne veut pas le faire au détriment de la performance économique. »

Le défi des fourrages

Une des qualités d’un tel système basé sur les balles rondes, c’est la simplicité et la rapidité de l’alimentation. « En hiver, indique Denis, on dépose les balles devant les vaches une fois par semaine et l’été, deux fois par semaine. »

Cela dit, alimenter le troupeau seulement avec des balles rondes dans une étable robotisée comporte certaines difficultés. « Notre plus grand défi, précise le producteur, c’est d’avoir de bons fourrages 365 jours par année. Le foin doit être de qualité d’un bout à l’autre, parce que les vaches choisissent. »

« Un producteur qui sert 50 % d’ensilage de maïs, son défi est deux fois moins grand que le nôtre, enchaîne Charles. Et une balle moins bonne, une fois mélangée avec les autres ingrédients de la ration, elle peut passer. Mais pas chez nous. »

La totalité des 205 hectares exploités par l’entreprise est constituée de prairies. Et tous ces hectares sont semés avec un mélange luzerne-mil-brome sur une rotation de cinq ans. Pour sa part, la fétuque a dû être écartée d’emblée. « C’est l’appétence qui fait problème, affirme Charles. Mélangée dans une RTM, ça peut aller, mais avec notre système, en plaçant les balles devant les vaches, elles ont le choix de les manger ou pas, et si le fourrage n’est pas assez appétissant, elles n’y touchent pas. »

À noter qu’ils ne souhaitent pas particulièrement récolter de la luzerne pure. « Ici, un bon mélange luzerne-graminée produit plus de lait que de la luzerne pure, dit Charles. On en a eu la preuve l’an dernier. C’était mouilleux en juin et on avait fauché un peu tard. La luzerne était donc plus longue que d’habitude. Comme l’ADF était plus élevée, les vaches avaient tendance à trier. Même si le foin était rotocut, comme la luzerne était longue, les cotons étaient plus gros et les vaches n’aimaient pas ça. Il y avait plus de restants et la production était un peu moins bonne. »

« Ici, ajoute-t-il, le meilleur équilibre fourrager, selon moi, c’est 50 % luzerne et 50 % graminées avec une protéine autour de 18 %, l’ADF à 30-31 % et l’énergie à au moins 1,40 Mcal/kg. »

La teneur en matière sèche des balles dépend de l’usage auquel on les destine. « Le foin pour les vaches en lait, on essaie de le faire autour de 50 % de matière sèche, explique le producteur de 30 ans. Celui pour les génisses, on le fait plus sec, autour de 70-80 %. C’est parce qu’il faut aux génisses jusqu’à une dizaine de jours pour consommer leurs balles et cellesci pourraient avoir tendance à chauffer si elles étaient plus humides. Alors que dans le cas des vaches en lactation, on les soigne aux trois ou quatre jours en été. Elles n’ont pas le temps de chauffer. Du foin à 50 % de matière sèche se consomme bien et les vaches le digèrent mieux. »

Soulignons qu’à cause d’un manque de surfaces, les Groleau doivent acheter 1 500 balles en plus des 3 500 qu’ils produisent. On pourrait craindre qu’il y ait là un problème de qualité, mais ils se font rassurants. « On a le même fournisseur depuis quatre ans, déclare Denis. Il fait de la qualité et on paie en conséquence. »

Encore du peaufinage à faire

Après trois ans de fonctionnement avec ce système, les Groleau se disent contents de leur choix, mais ils cherchent encore activement à l’améliorer. Un des volets sur lesquels ils travaillent est le coût des concentrés. Non pas qu’il soit élevé. « Depuis deux ans, notre coût de concentrés joue entre 3,16 et 3,29 dollars par kilo de matière grasse produit, souligne Denis. C’est inférieur à la moyenne québécoise, mais on pense qu’on peut descendre en bas de 3,00 dollars. »

Pour y arriver, la piste qu’ils privilégient consiste à remplacer une partie de la moulée par du maïs moulu. Au moment de notre visite, ils venaient tout juste d’ajouter une station d’alimentation dans une des deux rangées de l’étable afin de réduire les quantités de concentrés consommées aux robots de traite. Denis poursuit : « Notre ration actuelle comprend 40 % d’ingrédients simples. On sert 3,2 kilos de maïs moulu par vache et par jour. On croit pouvoir atteindre cinq ou six kilos.

« On cherche constamment à abaisser notre coût de production, conclut-il. On peaufine notre système. »