La recherche au coeur du développement des PLQ

La création de Novalait en 1995 représente un moment charnière pour la recherche en production laitière. À ce jour, 64,2 millions de dollars y ont été investis par les producteurs de lait, les transformateurs et leurs partenaires. Qu’est-ce qui a mené à la création de Novalait? On en parle avec l’ancien directeur général des PLQ, Alain Bourbeau.

Alain Bourbeau a consacré sa carrière au monde agricole. Agronome de formation, il a été conseiller en gestion durant les années 80, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, avant d’être embauché en 1990 par les PLQ à titre d’économiste principal. Il est devenu directeur de la recherche économique en 1995, puis directeur général de l’organisation en 2008. Il a quitté ce poste pour prendre sa retraite en 2020.

Selon lui, pour mieux comprendre pourquoi Novalait a été créée, il faut se remémorer comment les besoins en innovation et en recherche ont évolué à travers le contexte politique et social des 40 dernières années. « Dans les années 80, la recherche dans le milieu agricole était financée par les deux paliers de gouvernement, commence-t-il. Au Québec, la recherche et le transfert des connaissances se faisaient à travers ce qu’on appelait les bureaux locaux dispersés un peu partout sur le territoire ». La conjoncture économique est toutefois venue changer la donne au tournant des années 90. « On était en pleine période d’austérité budgétaire. Les gouvernements cherchaient à réduire leur déficit, donc tous les secteurs où ils intervenaient ont subi des compressions.

L’agriculture n’y a pas échappé », explique-t-il. Les activités dans les bureaux locaux ont ainsi été réduites peu à peu. Un manque dans le transfert des connaissances a donc commencé à se faire sentir et la nécessité de trouver des solutions pour y remédier est apparue. Il faut dire qu’à cette époque, il n’y avait pas de sommes importantes vouées à la recherche au sein même des Producteurs de lait du Québec, qui s’appelaient alors la Fédération des producteurs de lait du Québec. « L’intervention en recherche était minime, ponctuelle et de nature plus économique qu’agronomique. Le budget alloué au coût de production a longtemps été la principale dépense de la Fédération dédiée à la recherche », indique M. Bourbeau. Il rappelle d’ailleurs qu’à ses débuts l’organisation intervenait très peu dans le volet agronomique des entreprises laitières. « Il n’y avait pratiquement pas d’intervention en agroenvironnement ou en santé animale, par exemple. La mission première était la mise en marché du lait. On travaillait essentiellement sur des dossiers économiques », précise-t-il.

Les premiers investissements de plus grande envergure en recherche des PLQ ont été effectués par l’entremise d’une formule de cofinancement, notamment avec le gouvernement fédéral. Alain Bourbeau explique : « Le gouvernement accordait du financement et les différents secteurs agricoles pouvaient offrir une contrepartie. De notre côté, on a commencé par faire un prêt de quota au centre de recherche de Lennoxville. Les revenus générés étaient dédiés spécifiquement à des projets de recherche dans le lait et une somme équivalente était ajoutée par le fédéral. » Il précise que ce type d’entente perdure et a même été répété avec d’autres organisations au fil des ans.

La fin des années 80 a aussi été marquée par une tendance de consommation qui a énormément nui au secteur laitier : la crainte du cholestérol. « On avait des pertes de marché de l’ordre de 2 à 4 % par année. On ne parlait pas de hausse de quota dans ce temps-là. Il n’y avait que des coupures et beaucoup de tensions dans l’industrie. Les taux d’intérêt étaient aussi dans le plafond. C’était une période très difficile autant pour les producteurs que les transformateurs », résume M. Bourbeau. L’ancien directeur général des PLQ poursuit : « C’est dans ce contexte que s’est affirmée la volonté d’investir en recherche. » En 1993, dans le cadre de la convention de mise en marché, les producteurs et les transformateurs ont créé le Fonds de développement de l’industrie laitière. Les sommes qui y sont investies par chacun à parts égales ont permis de créer Novalait en 1995. « Les producteurs et les transformateurs se sont unis dans une cause commune : faire face à la contraction des marchés, améliorer l’efficacité des entreprises et stimuler la demande par des innovations. Ils ont trouvé des façons de progresser ensemble. C’est ça la pierre angulaire de Novalait, souligne-t-il. On avait des litiges sur plein de sujets, mais quand on arrivait à la table de Novalait, on mettait les différends de côté et on travaillait ensemble. »

Novalait a aussi permis aux producteurs de lait d’être au coeur des décisions en ce qui a trait aux sujets de recherche. « Dans les projets de cofinancement avec le fédéral, se souvient Alain Bourbeau, les orientations de recherche étaient surtout établies par les gouvernements, les chercheurs et le comité bovins laitiers du CPAQ. Les producteurs n’avaient donc pas de force décisionnelle. » Chez Novalait, les projets sont menés selon des axes de recherche fixés d’après les priorités des producteurs et des transformateurs. Il s’agissait d’une approche nouvelle à l’époque qui a permis aux producteurs d’exercer un leadership dans le financement et dans les orientations des études. « Quand tu payes, tu décides, quand tu ne payes pas, t’as moins d’emprise sur le volant », résume-t-il Alain Bourbeau précise que l’objectif n’était toutefois pas de se substituer au gouvernement, mais plutôt d’élargir les possibilités de recherche et de se rapprocher des besoins du terrain.

Selon lui, l’État demeure notamment un pilier essentiel pour la recherche fondamentale, c’est-à-dire, les projets plus risqués et de longue haleine. Il rappelle qu’en 1995, les PLQ sont aussi devenus le principal actionnaire du PATLQ, nommé aujourd’hui Lactanet, et qu’ils ont acheté le CIAQ quatre ans plus tard. « Novalait, Lactanet et le CIAQ forment un trio très porteur pour les PLQ », dit-il. D’une part, avec l’appui du CIAQ, les producteurs ont accès aux améliorations génétiques et, d’autre part, Lactanet, avec ses conseillers, a des yeux sur le terrain et est devenu le principal centre de transfert technologique.

« C’est grâce à ces deux organisations et à Novalait qu’on recueille les principales données pour mieux gérer et faire progresser les fermes. Sans données, souligne M. Bourbeau, on ne peut pas avoir un portrait de notre situation et se fixer des objectifs pour le futur. » Au fil des ans, les priorités de Novalait ont évolué selon les besoins des producteurs et des transformateurs, les tendances de consommation ainsi que les demandes sociétales. Le premier projet de recherche de l’organisation portait sur la qualité et les utilisations de la mozzarella. Depuis, 130 autres projets de recherche ont été réalisés grâce à des équipes de chercheuses et de chercheurs engagés. L’objectif demeure toujours le même : innover pour durer.

Le saviez-vous?

Chaque dollar investi par les producteurs et les transformateurs dans Novalait permet d’aller chercher plus de 4 $ de la part d’organismes gouvernementaux, d’entreprises privées ainsi que de regroupements provinciaux et nationaux. Depuis 1995, 64,2 millions de dollars ont ainsi été investis dans des projets de recherche.