La leptospirose chez les bovins laitiers

Des cas de leptospirose dans des élevages laitiers ont été diagnostiqués au Québec récemment. Comment cette maladie se transmet-elle et quelles mesures peuvent être instaurées pour la prévenir?

La leptospirose est une maladie infectieuse susceptible de nuire aux performances et à la rentabilité des troupeaux laitiers et de boucherie. Elle peut causer de l’infertilité, des mortalités embryonnaires, des avortements, des mortinatalités et une diminution de la production laitière. Souvent appelée « lepto », cette maladie s’observe dans le monde entier. Elle est causée par le spirochète Leptospira, une bactérie mince en forme de spirale. Il s’agit d’une zoonose, les humains pouvant s’infecter avec cette bactérie.

Les mammifères, incluant les animaux sauvages et le bétail, sont les réservoirs naturels des bactéries du genre Leptospira. Il existe de nombreux sous-types de leptospires, qu’on appelle « sérovars ». Les bovins sont les hôtes réservoirs du sérovar hardjo (sérovar adapté à l’hôte) et les hôtes accidentels de plusieurs autres sérovars, notamment pomona, grippotyphosa, icterohaemorrhagiae, canicola et bratislava. Ces sérovars non adaptés au bovin ont comme réservoir des animaux sauvages, comme les rats, les moufettes, les ratons laveurs ou des mammifères domestiques, notamment les chiens pour le sérovar canicola.

Pour pouvoir appliquer les mesures préventives appropriées dans les troupeaux de bovins, il importe de comprendre les différences épidémiologiques entre les sérovars adaptés à l’hôte (hardjo) et les sérovars non adaptés à l’hôte.

Chez les bovins, les infections par le sérovar adapté à l’hôte (hardjo) sont généralement associées à une forte prévalence de l’infection dans un troupeau ainsi qu’à une faible réponse immunitaire. On entend par faible réponse immunitaire, des titres sérologiques d’anticorps très faibles, ce qui rend l’infection difficile à détecter. Le sérovar hardjo cause une infection et une excrétion bactérienne chronique (long terme) après la colonisation des voies urinaires et parfois aussi des voies génitales.

Il arrive que les bovins soient des hôtes accidentels de sérovars non adaptés à l’hôte, comme pomona. Les infections ont alors une faible prévalence (moins répandu dans le troupeau), mais peuvent déclencher des épidémies de maladie aiguë et grave. Dans de tels cas, l’infection et l’excrétion de Leptospira sont de courte durée, puisque la forte réponse immunitaire entraîne la production d’un grand nombre d’anticorps qui combattent efficacement l’infection. Comme les titres d’anticorps sont élevés, le diagnostic est plus facile à poser.

Transmission

La leptospirose peut être transmise directement par un animal infecté ou indirectement par l’environnement contaminé. Les voies d’entrée possibles sont les muqueuses ou la peau endommagée. La principale source de contamination est l’excrétion urinaire de Leptospira par un animal infecté.

En tant qu’hôtes réservoirs du sérovar hardjo, les bovins peuvent en devenir des porteurs chroniques (long terme) et l’excréter dans l’urine pendant une très longue période. La bactérie peut également être excrétée dans le lait et les liquides placentaires, ou encore coloniser de manière persistante les voies génitales des vaches et des taureaux infectés. L’infection transplacentaire du fœtus peut entraîner une infection congénitale, ce qui signifie que les veaux peuvent naître avec l’infection. Une transmission lors d’une saillie naturelle peut aussi se produire.

Des leptospires non adaptés à l’hôte sont également excrétés dans l’urine de leur ou leurs hôtes réservoirs respectifs. La transmission aux bovins se fait souvent par l’intermédiaire d’aliments et de sources d’eau contaminée. Dans un environnement chaud et humide, comme l’eau stagnante ou le sol humide, les leptospires peuvent survivre pendant plusieurs semaines. Dans des conditions de sécheresse et de gel ou par temps très chaud, le temps de survie est court. Cela explique pourquoi la leptospirose apparaît le plus souvent au printemps et à l’automne dans les climats tempérés.

Signes cliniques d’infection

Les signes cliniques de la leptospirose chez les bovins varient selon le sérovar en cause (sérovar adapté à l’hôte ou sérovar non adapté à l’hôte) et selon la virulence et la dose infectante de Leptospira.

Sérovar adapté à l’hôte

Les bovins ne présentent généralement pas de signes évidents de la maladie lorsqu’ils sont infectés par le sérovar hardjo. La bactérie s’installe dans les reins (colonisation) et peut ainsi être excrétée à long terme dans l’urine. Cela facilite la transmission au reste du troupeau.

Le sérovar hardjo peut également coloniser l’appareil reproducteur, et mener à une mortalité embryonnaire précoce, à de l’infertilité et de faibles taux de gestation. Comme ces signes sont souvent subtils et qu’ils pourraient s’expliquer par de nombreux autres facteurs ou maladies, l’infection à hardjo n’est pas facile à reconnaître.

Des avortements sporadiques peuvent survenir à n’importe quel stade de la gestation après une infection fœtale par le sérovar hardjo chez les vaches gravides. On peut aussi constater la naissance de veaux morts ou affaiblis. Soulignons toutefois que de tels cas ne surviennent généralement qu’à la première exposition des vaches.

Sérovars non adaptés à l’hôte

L’infection de jeunes animaux par un sérovar non adapté à l’hôte peut entraîner une maladie aiguë sévère. Les veaux peuvent présenter une forte fièvre, de l’anémie, des urines foncées (en raison de la présence de fragments de dégradation des globules rouges : hémoglobinurie), et la maladie peut être mortelle. Chez les bovins adultes, la fièvre, la léthargie et la diminution de la prise alimentaire sont plus subtiles et peuvent passer inaperçues.

Une série d’avortements, c’est-à-dire un nombre élevé d’avortements en peu de temps, peuvent survenir. Des mortinatalités et des naissances prématurées de veaux affaiblis ont également été observées. Les avortements sont plus susceptibles de se produire au cours du dernier trimestre de la gestation, quelques semaines après l’infection.

Il est fréquent que Leptospira infecte le pis, provoquant une mammite et une diminution spectaculaire de la production laitière sur plusieurs jours. Ce syndrome de chute de production laitière se caractérise par la production en faibles quantités d’un lait jaune et épais, ou teinté de sang.

Mesures de prévention

Il est pratiquement impossible d’éliminer l’exposition à toutes les sources possibles de Leptospira, puisque le bétail et la faune peuvent être des hôtes réservoirs ainsi que des porteurs et excréteurs à long terme. Pour lutter contre les sérovars non adaptés à l’hôte, on doit réduire le plus possible les sources environnementales de contamination, telles que l’eau stagnante ou le ruissellement des enclos d’animaux, ou à tout le moins, en empêcher l’accès aux bovins. Il importe également de limiter la transmission de maladies par la faune, notamment en éliminant les rongeurs et ravageurs et, dans la mesure du possible, en clôturant les pâturages.

Le traitement de la leptospirose nécessite une antibiothérapie. Aucun antibiotique n’est toutefois homologué pour éliminer les infections à Leptospira.

La vaccination est un excellent outil pour prévenir la leptospirose, avant qu’elle ne survienne. Les vaccins contre la leptospirose au Canada et aux États-Unis sont des vaccins pentavalents à virus tués contenant les sérovars pomona, grippotyphosa, icterohaemorrhagiae, canicola et hardjo.

Chez les bovins vaccinés pour la première fois contre la leptospirose, la dose initiale devrait être suivie d’une dose de rappel quelques semaines plus tard parce que les vaccins contre la leptospirose sont des vaccins tués ou inactivés composés de bactérine. Certains vaccins sont également indiqués pour prévenir l’établissement du sérovar hardjo dans les reins et son excrétion dans l’urine.

Les protocoles de vaccination devraient viser à protéger non seulement les vaches reproductrices, les génisses de remplacement et les bovins plus jeunes, mais aussi les taureaux.

Consultez votre médecin vétérinaire si vous soupçonnez la présence de leptospirose dans votre troupeau. Vous pourrez ainsi obtenir des recommandations diagnostiques et thérapeutiques. Il pourra aussi vous conseiller un protocole de vaccination adapté à votre troupeau au besoin. Rappelons que le diagnostic est souvent difficile à poser parce que les vaches infectées par Leptospira ne présentent pas toujours des signes cliniques.