Des conseils pour contrer le stress thermique chez les bovins laitiers

Les effets du stress thermique sur les bovins laitiers sont réels et il est justifié de prendre des moyens pour les réduire.

La zone de confort de la vache laitière en lactation se situe entre 4 oC et 21 oC. Quand la température ambiante est inférieure à 4 oC, la vache doit produire de la chaleur et au contraire, quand la température ambiante est supérieure à 21 oC, elle doit se départir de sa chaleur corporelle. En dehors de la zone de thermoneutralité, une vache risque de subir un stress thermique. Des répercussions sur la physiologie de la vache sont possibles sans que la température ambiante atteigne des valeurs excessives.

Par contre, la température ambiante n’est pas le seul facteur ayant un impact sur le confort de la vache. L’humidité relative et la vitesse de l’air autour de l’animal vont aussi influencer la sensation de stress thermique. Pour déterminer si les conditions
ambiantes risquent de soumettre les vaches en lactation à un stress thermique, on utilise un indice composite qui tient compte de la température ambiante et de l’humidité relative (le THI). On considère généralement qu’un THI > 68 peut entrainer un stress
thermique. À titre d’exemple, une température de 22 oC à 55 % d’humidité relative (humidex 24) équivaut à un THI de 68. Toutefois, à partir d’un THI > 58, on observe déjà une diminution du taux de matière grasse du lait. La production de ce composant du lait étant particulièrement sensible à la chaleur.

Le THI à l’intérieur de l’étable est fortement influencé par celui à l’extérieur. Généralement, le THI sera un peu plus élevé à l’intérieur des bâtiments.

et au québec?

On comprend donc que l’humidité relative joue un rôle important sur le stress thermique que subissent les vaches. Et c’est particulièrement ce facteur qui rend les vaches du Québec à risque.

Selon l’équipe de recherche de Véronique Ouellet, professeure adjointe à l’Université Laval, en 2021 (en moyenne, selon les différentes régions laitières du Québec), on compte 144 journées où le THI a dépassé 58. C’est plus du tiers de l’année où les conditions ambiantes challengent les vaches laitières! De plus, les changements climatiques qui nous affectent ne feront qu’augmenter la tendance.

Pourquoi s’inquiéter du stress thermique?

En dehors de sa zone de thermoneutralité, la vache doit maintenir ou dissiper sa chaleur et cela vient avec un coût physiologique. Tout d’abord, les animaux modifient leurs comportements. On observe notamment :

  • Une réduction de la consommation de la matière sèche
  • Une diminution du temps passé couché
  • Une diminution du temps de rumination
  • Une augmentation du temps consacré à l’abreuvement
  • Une augmentation de la fréquence respiratoire

Ces changements de comportements ont des conséquences sur les performances des vaches en lactation. Voici les répercussions possibles :

  • Une diminution de la production lactée
  • Une réduction du taux de gras dans le lait (dépression de la matière grasse du lait)
  • Une diminution du taux de protéine dans le lait
  • Une diminution de la fertilité (taux de conception)
  • Une acidose du rumen (et toutes les conséquences associées à cette condition)
  • Une augmentation des boiteries, principalement des ulcères de soles (dues à l’acidose ruminale et à la réduction du temps couché)
  • Un affaiblissement du système immunitaire

Une étude réalisée à l’Université de Guelph en Ontario rapporte que les pertes en production laitière, en gras et en protéines (excluant l’impact sur la reproduction, l’effet sur le système immunitaire et tous les autres impacts mentionnés ci-haut) sont chiffrées à 34,5 millions $/année pour le Québec et l’Ontario conjointement. Cette perte équivaut à 56 $/vache annuellement. Cette étude n’évalue pas les pertes pour les veaux, les taures et les vaches taries.

Les effets sur les vaches taries sont aussi bien connus. On observe notamment un moins bon développement mammaire, une diminution de la production laitière future ainsi qu’un système immunitaire moins efficace dans la période péripartum.

Des recherches permettent même de démontrer les effets sur le foetus de la vache tarie subissant le stress thermique :

  • Une naissance précoce
  • Une taille et un poids inférieurs
  • Un système immunitaire moins efficace et une moins bonne absorption du colostrum
  • Une augmentation du risque de mortalité ou morbidité
  • Une moins bonne production laitière future

Il s’agit évidemment de plusieurs conséquences qui affectent la santé et le bien-être des animaux ainsi que la rentabilité des fermes laitières du Québec.

Alors, que faire pour réduire les impacts?

Dès la conception d’une étable, il faut réduire les risques de stress thermique. Ne négligez pas l’orientation du bâtiment. L’orientation est-ouest améliore la ventilation et diminue l’impact de l’ensoleillement. L’objectif est d’avoir de 40 à 60 changements d’air/heure dans une étable en été. Un bon design de la ventilation est donc primordial. Il faut aussi fournir suffi samment d’espace-abreuvoir aux vaches. Cela veut donc dire qu’il faut placer les sources d’eau à des endroits stratégiques, d’assurer un bon débit d’eau et assez d’espace pour la population de vaches desservie.

Fréquemment, la conception des étables ne permet pas de réduire le stress thermique, il faut donc apporter des modifications et ajouts afin de limiter les impacts. Voici les deux principales méthodes utilisées :

  1. Ventiler les vaches pour dissiper la chaleur. Le but est d’augmenter la vitesse de l’air autour de la vache. On veut que l’air circule vite (2 m/s) et partout. Il faut faire attention aux points morts et aux obstacles physiques (cabane du robot, salle de traite, vache debout, tracteur devant le ventilateur, etc.). L’ajout de ventilateurs supplémentaires dans l’étable est une méthode fréquemment utilisée dans cette optique au Québec.
  2. Mouiller les vaches pour augmenter la dissipation de la chaleur. L’utilisation de gicleurs ou de brumisateur est une bonne méthode pour augmenter la dissipation de la chaleur.

Elle est cependant moins répandue au Québec. Nos conditions particulièrement humides et les stabulations entravées rendent cette technique moins intéressante.

À partir des données d’une enquête provinciale menée par Lactanet, l’équipe de Véronique Ouellet a calculé que seulement 23 % des producteurs laitiers rapportaient utiliser un système de refroidissement, autre que la ventilation de base de leur étable,
pour leur cheptel. Parmi ceux-ci, 95 % utilisent des ventilateurs et seulement 5 % utilisent un système de brumisation ou d’aspersion d’eau.

Considérant tous les impacts négatifs sur la santé des bovins, plusieursproducteurs gagneraient à intégrer des moyens techniques pour lutter contre le stress thermique de leurs troupeaux.

De plus, rehausser la ventilation améliorera la qualité de l’air et la gestion des mouches dans l’étable, ce qui est d’autant plus avantageux pour la santé et le bien-être des animaux.

Comme chaque troupeau peut le vivre différemment, discutez-en avec votre médecin vétérinaire. Il saura vous aider à reconnaître les signes pour diagnostiquer le stress thermique dans votre élevage. Il pourra également vous soutenir dans votre prise de décision afin d’intégrer de nouvelles méthodes pour en limiter les effets négatifs.