Conception et évaluation d’un enclos d’exercice extérieur pour les vaches en stabulation entravée

Selon le nouveau Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers, à compter du 1er avril 2027, les vaches ne devront plus être attachées continuellement durant leur cycle de production et devront avoir des possibilités suffisamment fréquentes de se mouvoir librement pour favoriser leur bien-être. Quelle est la meilleure façon de s’y conformer?

Comme la contention perpétuelle est interdite en production laitière biologique, des approches ont déjà été élaborées pour répondre au besoin d’exercice des vaches en stabulation entravée pendant l’hiver, saison où elles n’ont pas accès aux pâturages. La majorité des options en production biologique inclut la construction d’une nouvelle étable en stabulation libre représentant des investissements substantiels (4 000-15 000 $/tête). La méthode la moins dispendieuse (1 000 $/tête) consiste à aménager une cour d’exercice intérieure (allée de circulation) ou extérieure (aire d’hivernage). Les études récentes démontrent que le nombre de pas s’accroît de 20 % par jour en enclos extérieur. Même si cette avenue semble à privilégier, des travaux de l’IRDA ont conclu, après 15 ans de recherche sur différents modèles d’aire d’hivernage pour bovins de boucherie, qu’aucune configuration n’est efficace à 100 % pour assurer un rejet zéro, comme requis par le Règlement sur les exploitations agricoles. C’est dans ce contexte que le concept de standoff pad (SOP), qui consiste en un lit de matériel filtrant surplombant des monticules de sol recouverts d’une membrane géotextile et de drains acheminant les eaux contaminées à une fosse d’entreposage (voir la figure 1), a été testé. Il vise à offrir aux vaches une opportunité de mouvement à l’année sans compromettre la qualité de l’eau ou de l’air.

Optimisation du concept original requise

Deux versions de SOP, logeant chacune une vache (28 m2), ont été aménagées à l’arrière d’une étable du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD). L’une intégrant un système d’injection d’air provenant des ventilateurs de l’étable (voir figure 1), afin de favoriser la dégradation par les microorganismes de la matière organique retenue dans le lit de copeaux de bois, et l’autre sans équipement d’oxydation. Durant deux phases expérimentales de neuf semaines en hiver et en été, des sorties quotidiennes de 90 minutes, le matin et l’après-midi, dans les enclos ont été effectuées. Des échantillons d’eau ont été collectés à la sortie du tuyau de drainage et analysés en laboratoire pour déterminer notamment la demande biochimique en oxygène à cinq jours (DBO5) et les solides en suspension (SS).

Les résultats ont démontré qu’une SOP, aérée ou non, réduisait les contaminants des lixiviats, sans toutefois respecter les normes de rejet réglementaires à l’effluent d’une installation de traitement (25 mg/L). Pour y arriver, différents paramètres (combinaison de matériaux filtrants, épaisseur des couches et aération du lit) devaient être optimisés. Le surpassement des valeurs cibles permettrait ultimement le retrait du système de drainage et de la géomembrane, réduisant le coût de construction d’une SOP.

Utilisation d’un mélange de matériaux filtrants

Les capacités de traitement de 15 cylindres (5 cm de diamètre et 50 cm de hauteur) remplis de cinq combinaisons de produits (gravier, copeaux de bois, biocharbon, tourbe de sphaigne et sable), simulant la colonne centrale d’une SOP, ont été mesurées en laboratoire pendant trois semaines au moyen de tests de contamination par du lisier synthétique. L’analyse des indicateurs de qualité de l’eau lixiviée a révélé que les cylindres avec sable ou biocharbon réduisaient la turbidité et les phosphates. Toutefois, la couche de sable était colmatée dès la troisième semaine d’expérimentation. Les cylindres avec sphaigne ont obtenu de bons résultats quant à la demande chimique en oxygène (DCO) et à l’azote total (NT). L’équipe de recherche a ainsi conclu qu’un mélange composé de sphaigne (70 %), de copeaux de bois (20 %) et de biocharbon (10 %) pourrait profiter des propriétés de chaque matériau et obtenir une efficacité de traitement supérieure. Les 15 cylindres ont été réutilisés pour comparer la filtration de différentes épaisseurs (10, 20, 30 ou 40 cm) du trio identifié avec un témoin (30 cm de copeaux). La hauteur restante était comblée par du gravier. L’expérimentation a montré que la capacité de traitement de tous les cylindres avec la combinaison sphaigne-copeaux-biocharbon était supérieure au témoin et que celle-ci s’améliorait à mesure que l’épaisseur du mélange augmentait. Comme les bénéfices pour 40 cm étaient toutefois minimes par rapport à 30 cm, une épaisseur de lit organique représentant 60 % de la hauteur d’une SOP a été jugée comme satisfaisante.

Impact de l’injection d’air limité

Dans des chambres à environnement contrôlé (température <10 ou >20 °C), 12 tubes (0,3 m de diamètre et 1 m de hauteur, figure 2), dont le fond était rempli de 35 cm de gravier, ont été chargés de 50 cm de matériaux filtrants conventionnels (copeaux de bois) ou alternatifs (mélange identifié) pour traiter du lisier semi-synthétique pendant quatre semaines. La moitié des tubes était munie d’un système d’aération à sa base. Les lixiviats générés (figure 3) ont été analysés en laboratoire. La combinaison alternative a amélioré, autant en conditions froides que chaudes, la capture des SS, de la DCO et des E. coli. L’intégration de sphaigne et de biocharbon, qui possèdent des structures plus poreuses que le bois, en est la cause. L’aération n’a pas eu d’effet pour aucun des contaminants, possiblement en raison du refroidissement causé par l’air injecté. La durée expérimentale n’était également pas assez longue pour permettre le développement d’une masse microbienne suffisante, qui aurait produit davantage de chaleur.

Comparaison entre une SOP optimisée et un enclos d’hivernage

Les SOP du CRSAD (figure 4) ont été modifiées. Le matériel filtrant de la SOP aérée a été remplacé par le mélange identifié et la SOP non aérée a été transformée en enclos d’hivernage en substituant les copeaux de bois et le gravier par une unique couche composée du sol original, sur lequel une prairie a été implantée. Des séances d’exercice quotidiennes (1,5 h AM et PM) ont à nouveau eu lieu (1 vache par SOP) lors de deux essais de neuf semaines en été et en hiver. La SOP optimisée a offert de meilleures performances environnementales qu’un enclos d’hivernage en abaissant les taux de SS (50 %), de DBO5 (70 %), de DCO (50 %), de NT (60 %) et de E. coli (95 %) dans les lixiviats collectés. La DBO5 et les SS se sont même maintenus en moyenne sous les 25 mg/L.

L’enclos alternatif a également diminué les volumes de lixiviats sur l’ensemble des deux phases animales (20 000 contre 28 000 L), mais principalement durant la période estivale où aucune eau n’a été récupérée. Les meilleures capacités d’absorption des matériaux filtrants et la finesse des particules de sphaigne et de biocharbon ayant engendré de la compaction peuvent expliquer ces résultats. La compaction a néanmoins réduit l’efficacité de pénétration de l’air injecté comme celui-ci ressortait en majorité par les drains à la fin de l’été. Une opération mécanique a eu lieu en novembre pour briser la couche indurée à la base du lit organique. L’aération additionnelle a ainsi maintenu la température de la SOP au-dessus de 0 °C pendant l’hiver, ce qui a causé la fonte des neiges en continu. Cela a généré des volumes de lixiviat beaucoup plus importants durant cette saison.

Les émissions de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4), d’oxyde nitreux (N2O) et d’ammoniac (NH3) issues de la surface des enclos ont également été mesurées à l’aide de chambres de captation placées sur le sol. En été, l’injection d’air provenant de l’étable a provoqué une hausse des émissions de CO2 de la SOP, lesquelles peuvent être attribuées à la respiration des vaches. L’enclos d’hivernage utilisé durant la saison estivale a engendré des productions de CH4 et de N2O supérieures, puisque des conditions d’anoxie étaient favorisées.

Des indicateurs de bien-être (état corporel, propreté et absence de blessures) ont aussi été évalués avant et après les sorties extérieures. Sans égard au type d’enclos d’exercice, ils sont tous demeurés constants, voire légèrement améliorés, après les périodes d’exercice.

Optimisée : solution alternative durable?

La SOP, grâce à sa couche de surface confortable et filtrante et à l’imperméabilisation du sol, est une option potentielle comme aire d’exercice pour vaches laitières en stabulation entravée afin d’assurer leur bien-être, de respecter la législation environnementale et de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES). Toutefois, l’excavation, les systèmes d’aération et de drainage et la géomembrane accroissent son coût de construction (514 $/m2) par rapport à l’enclos d’hivernage testé (303 $/m2). Des recherches sont toujours nécessaires sur la durée de vie du mélange identifié et sur la possibilité de couvrir la SOP pour valider le respect en tout temps des normes de rejet, permettant le retrait des équipements d’étanchéisation.