AGA 2024 : Le Code de pratiques retient l’attention

Les Producteurs de lait du Québec (PLQ) ont tenu leur assemblée générale annuelle (AGA) les 16 et 17 avril derniers à Saint-Hyacinthe. Les délégués ont adopté six résolutions portant notamment sur le projet de loi C-282, les investissements pour l’adaptation au Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers et la protection des termes laitiers.

Dans son allocution, le président des Producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil, a demandé aux sénateurs canadiens d’adopter le plus rapidement possible le projet de loi C-282, alors que le Sénat devait procéder au vote sur l’adoption du projet de loi en seconde lecture la même journée.

Nous respectons le rôle que doit jouer le Sénat et le droit des sénateurs de débattre d’un projet de loi de la Chambre des communes. Les sénateurs ne peuvent toutefois ignorer l’ampleur de l’appui politique qu’a reçu le projet de loi C-282 par les élus de la Chambre des communes, y compris par tous les chefs susceptibles de diriger le gouvernement lors de la négociation de futurs accords commerciaux. Le message politique d’appui ne pourrait être plus clair pour ce modèle qui favorise la vitalité économique de nombreuses communautés et régions par le maintien et l’établissement de fermes dynamiques autour desquelles gravitent une variété d’entreprises connexes ou complémentaires », a-t-il dit.

En fin de journée, le Sénat a finalement adopté en 2e lecture le projet de loi C-282 qui vise à protéger la gestion de l’offre dans les futures négociations d’accords commerciaux. En tout, 58 sénateurs ont voté pour, 12 ont voté contre et 2 se sont abstenus. Le projet de loi doit être mis à l’étude en comité avant de passer à la 3e lecture et au vote final avant d’entrer en vigueur.

Daniel Gobeil a aussi profité de son discours pour parler des accomplissements de l’organisation au cours de la dernière année et des défis qui attendent le secteur laitier. Il a notamment fait mention des investissements majeurs qui seront requis dans de nombreuses entreprises laitières pour répondre aux exigences du nouveau Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers. « On va se le dire, c’est le sujet de l’heure. On estime que près de 600 millions de dollars vont être investis partout en région pour répondre aux exigences. C’est l’équivalent d’un programme régional sans précédent. Nous avons besoin que le gouvernement du Québec investisse avec nous », a-t-il déclaré. Daniel Gobeil a d’ailleurs précisé avoir eu d’excellentes rencontres ce printemps avec les équipes du gouvernement à ce sujet.

Il a rappelé que l’organisation a adopté l’an dernier sa planification stratégique : « Nous nous sommes donné une vision claire, nous aurons besoin que les gouvernements aient une vision aussi claire et qu’ils restent cohérents avec cette vision, car les ressources humaines et financières dans les fermes ont leurs limites. » Le président des PLQ a mentionné que pour le gouvernement du Québec, cette vision devra, entre autres, se matérialiser dans la nouvelle mouture de la politique bioalimentaire prévue en 2025. Il a précisé que des démarches politiques sont entreprises en ce sens par l’organisation pour faire entendre la voix des producteurs.

Le président des PLQ a également dit voir d’un œil positif la croissance des marchés rendue possible notamment grâce à l’immigration. « En 2023, la population du Canada a atteint 40 millions d’habitants, un sommet historique, avec un taux d’accroissement démographique annuel de 2,7 %. C’est une opportunité pour nous », a-t-il précisé.

Hausse de la demande pour le lait à boire et perspectives de revenu

Florence Bouchard Santerre, directrice de la recherche économique des PLQ, a présenté le bilan des ventes de produits laitiers dans le marché canadien pour la période qui s’échelonne de février 2023 à février 2024. D’emblée, elle a parlé de la surprenante croissance des ventes de 1,7 % des volumes pour le lait de consommation. Cette demande accrue serait attribuable à l’augmentation marquée de la population canadienne au cours des dernières années. « On observe aussi une demande plus forte pour le lait entier que le lait faible en gras. De plus, il y a un recul des boissons alternatives sur le marché canadien », a-t-elle précisé.

Les ventes de matière grasse pour la crème ont aussi connu une importante hausse (4,6 %) au cours des derniers mois. Celles dédiées à la fabrication de yogourt ont, quant à elles, diminué de – 2,9 %. La consommation de yogourt est toutefois en croissance de 0,8 % au Canada. « Les gens ont modifié leurs préférences en ce qui a trait au yogourt dans la dernière année. Ils achètent de plus gros formats, du yogourt nature et plus protéiné. Le yogourt grec est en croissance. Donc, les résultats des ventes en matière grasse ne donnent pas une vision globale du marché », a précisé Florence Bouchard Santerre.

Les ventes de matière grasse pour la fabrication du fromage ont reculé de – 1,1 %. « Par contre, on observe une certaine augmentation de la consommation de fromage au détail. Elle est très faible, mais c’est tout de même une hausse », a-t-elle indiqué.

Concernant le beurre, on note une augmentation des ventes de 5,3 %. Cette croissance provient de la reprise des ventes au détail et d’un besoin de reconstruction des stocks, dans le contexte d’une baisse des ventes pour la surtransformation.

Florence Bouchard Santerre a, par la suite, traité la question des besoins totaux canadiens. En 2023, ces derniers ont augmenté de 1,7 %. Une partie de cette croissance a été comblée par les importations sur le marché canadien. C’est notamment pour cette raison que le quota alloué aux 10 provinces par la CCL n’a augmenté que de 1,1 %. En 2024, on prévoit une augmentation de 1,9 % des besoins totaux et une variation de ce quota de 1,4 %.

À quoi s’attendre en matière de revenu? Florence Bouchard Santerre a commenté les deux scénarios qu’elle a présentés lors des journées de réflexion des PLQ en novembre dernier. Le scénario pessimiste annonçait une baisse de – 0,97 $/hl et le plus optimiste, une hausse de 1,43 $/hl. Elle a indiqué que les perspectives se rapprochent davantage du scénario optimiste avec une hausse prévue de 1 $ à 1,20 $/hl. Ces prévisions tiennent notamment compte de l’indexation des prix entrée en vigueur en mai 2024, de l’augmentation des ventes de lait de consommation, de la baisse de la demande pour le beurre de surtransformation et des prix mondiaux.

Message du ministre de l’Agriculture

Le ministre québécois de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), André Lamontagne, s’est adressé aux délégués et a répondu à quelques questions. Il a lancé, a-t-il dit, un chantier qui vise à améliorer l’environnement d’affaires des agriculteurs au point de vue administratif et réglementaire. Il a dit vouloir ainsi créer un environnement favorisant la rentabilité et la pérennité des fermes laitières.

Durant la période de questions, une déléguée lui a demandé s’il s’engageait à soutenir les producteurs dans leurs investissements pour s’adapter au nouveau Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers (Code). M. Lamontagne a affirmé qu’il est conscient des défis que doivent relever les producteurs de lait pour se conformer au Code. Il a dit être en communication avec les PLQ à ce sujet et qu’il examinerait leurs demandes avec l’objectif de trouver les meilleures solutions possibles pour les aider.

En réponse aux questions d’autres participants, le ministre a assuré que le gouvernement reconnaît l’importance stratégique d’investir en agriculture et il a souligné le rôle essentiel de l’agriculture dans la transition écologique.

En conclusion, Daniel Gobeil, le président des PLQ, a rappelé au ministre que le secteur laitier se doit de recevoir sa juste part des rétributions agroenvironnementales du Plan pour une économie verte 2030. Il faisait référence aux cultures fourragères qui ont été, selon lui, plus ou moins reconnues dans les rétributions. Le ministre a assuré qu’il est en discussion à ce sujet, notamment avec le ministre de l’Environnement, Benoit Charette.

Les grands dossiers de l’UPA

Le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron, a rappelé que son organisation fête ses 100 ans cette année. « Il y a 100 ans, 2 500 personnes ont décidé de se tenir debout et de s’unir pour arrêter de subir », a-t-il dit. Martin Caron a évoqué l’importance notamment de la gestion de l’offre et de la mise en marché collective dans le développement de l’agriculture au Québec et au Canada. « C’est une belle réussite pour nous, les productrices et producteurs, mais aussi pour la société », a-t-il indiqué.

Le président de l’UPA a par la suite parlé de la pression constante exercée sur le territoire agricole par les projets éoliens, la construction de logements et l’étalement urbain. Il a mentionné que son organisation travaille à favoriser un meilleur aménagement du territoire, mais aussi à protéger les activités agricoles. Il a expliqué que les villes, les municipalités, les MRC et différents ministères ont beaucoup de pouvoir et influencent les activités des agriculteurs. « Présentement, tout un chacun vient nous dire comment faire notre métier », a-t-il résumé. Martin Caron a rappelé que c’est une des raisons pour lesquelles des productrices et producteurs se mobilisent partout au Québec en ce moment.

Il a également mentionné que l’UPA travaille à alléger le fardeau réglementaire et la paperasse en découlant. « Il faut que ça se fasse rapidement, parce qu’on est en train d’étouffer », a-t-il dit, en précisant que les dédales administratifs représentent une barrière à l’investissement dans les fermes, notamment pour l’adaptation aux changements climatiques.

Les réalisations des PLC

Le président des Producteurs laitiers du Canada (PLC), David Wiens, a fait état des dossiers sur lesquels a travaillé son organisation dans les derniers mois. Il a été question notamment des compensations obtenues en lien avec l’ACEUM, du fonds de 333 millions de dollars du gouvernement fédéral pour accroître les capacités de transformation des solides non gras, de la défense du projet de loi C-282, des fonds accordés par Ottawa pour la création d’une banque de vaccins contre la fièvre aphteuse et des exemptions de plusieurs produits laitiers de la politique d’étiquetage dissuasive des aliments. Les questions concernant les investissements en recherche et les efforts de l’équipe de diététistes des PLC pour faire connaître les attributs des produits laitiers ont aussi été discutées.

David Wiens a également parlé des campagnes publicitaires réalisées par son organisation au cours de la dernière année et s’adressant plus particulièrement aux millénariaux et à la génération Z. Il a insisté sur l’importance de répondre aux préoccupations de ces jeunes consommateurs plus sensibles à la protection de l’environnement.

Les priorités de la CCL

Benoit Basillais, chef de la direction de la Commission canadienne du lait (CCL), a parlé de la volatilité de la demande avec laquelle le secteur laitier doit composer depuis quelques mois. Il a évoqué une volatilité d’un mois à l’autre qui atteint parfois 10 %. « Ça veut dire que pour le comité quota P5, ce n’est pas évident de savoir si on émet des crédits ou une hausse de quota permanente. Pour les transformateurs, c’est la même chose. Ils se demandent s’ils sont face à un changement de tendance du marché à long terme ou à court terme. Il y a donc beaucoup d’incertitude dans le marché », a-t-il expliqué.

Il a aussi traité la question des surplus structurels. « La demande en matière grasse augmente plus vite que la demande en solides non gras », a-t-il rappelé. Benoit Basillais a indiqué que les efforts des producteurs pour abaisser la production de SNG à la ferme ont permis de ralentir la croissance des surplus structurels. Parmi les autres stratégies proposées par la CCL pour limiter et gérer les surplus, notons le démarrage des activités d’une usine d’aliments pour bébé, l’augmentation des capacités de transformation et la stimulation de la demande pour les classes 1 à 3. « Il y a plein de solutions devant nous. Il faut qu’on travaille ensemble. Ce n’est pas en bâtissant uniquement des séchoirs qu’on va éliminer le surplus structurel, c’est en réalisant plusieurs projets ensemble et en travaillant collectivement », a-t-il dit.

Des développements en commerce international

Steve Verheul, directeur du cabinet-conseil GT&CO, président de Steve Verheul Consulting inc. et ancien négociateur commercial en chef du Canada, a exposé aux délégués les principaux défis et récents développements en matière de commerce international. Il a discuté de la révision à venir en 2026 pour l’Accord Canada−États-Unis−Mexique (ACEUM), dans le contexte de nouvelles élections américaines. Il a également abordé le sujet des autres négociations commerciales en cours, telles que la négociation Canada–Royaume-Uni. Il aussi parlé du projet de loi C-282, indiquant que celui-ci ne représente pas une menace pour les objectifs commerciaux des productions exportatrices.

Les projets de recherche en développement durable

Élise Gosselin, directrice générale de Novalait, et Daniel Lefebvre, directeur général de Valacta, sont venus présenter les principaux éléments à connaître sur les projets de recherche Laboratoire vivant – Lait carboneutre et Méthane Québec. Ils ont ainsi brossé le portrait des fermes participantes, du contexte, des objectifs et des principales étapes à venir pour ces grands chantiers de recherche menés partout au Québec.

Prochaine campagne marketing

Julie Gélinas, directrice marketing des PLQ, a annoncé que la prochaine campagne publicitaire majeure de l’organisation aura lieu cet été et s’adressera à la génération Z, c’est-à-dire aux consommateurs de moins de 24 ans. « 70 % de ces jeunes influencent les choix de consommation dans leur famille », a-t-elle précisé. Cette campagne fera appel à des influenceurs et se déclinera notamment sur les médias sociaux. À surveiller!