Nourrir durablement

Au printemps, des milliers de productrices et producteurs se sont mobilisés aux quatre coins du Québec pour faire part de leurs inquiétudes et de leurs souhaits pour l’avenir de l’agriculture et de sa relève. Le message était clair : les producteurs agricoles doivent être placés au cœur de la solution pour que la relève, les terres agricoles et les fermes familiales continuent de nourrir durablement, de participer à la viabilité des régions et de prendre part à la croissance économique du Québec.  

Parce que oui, les défi s auxquels est confronté le secteur agricole, qu’ils soient économiques, environnementaux, territoriaux ou climatiques, sont importants, notamment pour nos fermes laitières. Sur le plan économique, nous avons été frappés de plein fouet ces derniers mois avec la flambée des taux d’intérêt. Produire du lait requiert d’énormes investissements et la pression financière en lien avec la hausse des taux d’intérêt présente une menace pour la durabilité de nos fermes et le transfert aux futures générations.

Aussi, pèse sur nos épaules une importante charge administrative, accentuée par des contraintes règlementaires en croissance. Un assouplissement significatif et rapide des tâches bureaucratiques, notamment en matière d’agroenvironnement, est impératif afin de donner un souffle nouveau à notre agriculture et libérer du temps pour l’innovation dans nos fermes.

La bonne nouvelle, c’est qu’un premier pas a été franchi dans cette direction. Le gouvernement nous a entendus et a reconnu l’importance névralgique de notre profession. Une « entente de principe », c’est-à-dire des solutions à court et moyen termes pour affronter la crise actuelle, a été annoncée dernièrement par le gouvernement Legault à la suite d’une rencontre avec les dirigeants de l’UPA. On prévoit notamment la mise en place d’un bouclier fi nancier pour faire face à la hausse des taux d’intérêt, une aide d’urgence pour la saison 2023 touchée par l’excès de pluie et des sécheresses ainsi qu’une réduction de la lourdeur administrative et un allègement réglementaire par 14 mesures spécifiques.

Il y a donc une ouverture, mais il reste du travail à faire. Pour que les actions aboutissent, elles doivent être guidées par une vision gouvernementale à long terme qui sera soutenue par des ressources financières adéquates. L’opportunité se présente à l’aube du renouvellement de la Politique bioalimentaire 2018-2025, qui arrive à terme. Cette politique est l’occasion d’augmenter significativement les budgets, le soutien, l’accompagnement, les mesures et les programmes destinés aux producteurs et à la relève agricole.

Notamment, nous aurons besoin de l’appui des gouvernements pour adapter nos fermes au nouveau Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers. Plusieurs fermes du Québec nécessiteront des investissements importants pour respecter les nouvelles exigences, dont certaines entreront en vigueur dès 2027. Le gouvernement québécois ne peut abandonner les producteurs à leur sort; il doit investir conjointement avec eux. Soyons clairs : chaque dollar investi dans nos exploitations agricoles stimule l’activité économique régionale et contribue au maintien de l’occupation du territoire. Juste en 2023, ce sont 813 M$ qui ont été injectés dans nos régions pour la machinerie, les équipements et les bâtiments. La production laitière est la plus importante activité de tout le secteur agricole québécois avec 24 % des recettes agricoles, sans compter nos 4 333 fermes laitières qui sont à la source de près de 66 000 emplois dans la filière!

La Politique bioalimentaire du Québec est un projet extrêmement important pour la société québécoise et pour les agriculteurs d’ici. C’est l’occasion pour le gouvernement d’établir les assises de notre agriculture pour les prochaines décennies. Les délégués réunis à la dernière assemblée générale annuelle ont clairement exprimé leurs attentes pour cette nouvelle politique. Elle représente une opportunité de valoriser l’héritage des générations précédentes, en s’appuyant sur la gestion de l’offre et la mise en marché collective, tout en assurant la prospérité, la rentabilité, la durabilité et la reconnaissance de notre profession et de nos entreprises. Nous demandons un engagement concret, allant au-delà de la « tape dans le dos » et de simples gestes symboliques, et l’instauration d’une politique qui prend acte de l’importance stratégique de notre secteur, qui est efficace et qui répond aux besoins des producteurs et de toutes les parties concernées. Nous attendons des gestes concrets qui prouveront que le secteur bioalimentaire, dont les entreprises laitières d’ici, compte parmi les priorités d’action du gouvernement.