Estimer la quantité de méthane entérique par l’analyse du lait de réservoir

Lactanet et Les Producteurs de lait du Québec ont démarré un projet de recherche qui permettra d’estimer la quantité de méthane entérique des vaches laitières d’un troupeau à partir de l’analyse du lait de réservoir.

Les émissions de méthane entérique constituent environ la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’empreinte carbone du lait canadien. C’est une source d’émission jugée prioritaire dans l’engagement national à réduire nos GES et dans la volonté de l’ensemble de la filière laitière d’offrir aux consommateurs un lait « bas carbone ».

Différentes pratiques et stratégies existent pour réduire ces émissions de méthane issu de la digestion, qui concernent principalement des changements quant à la gestion du troupeau et de l’alimentation et impliquent de devoir suivre leur efficacité sur le terrain afin de valider les cibles de réduction attendues.

Il est important de savoir qu’en dehors d’un contexte expérimental bien contrôlé, la quantité de méthane entérique ne peut pas être mesurée quotidiennement pour chaque animal, dans chaque ferme. Elle est toujours estimée à partir de modèles (équations propres à chaque catégorie d’animaux, reliant en particulier des paramètres alimentaires et de productivité) développés par les scientifiques. Il existe des dizaines de modèles plus ou moins avancés et représentatifs de la réalité qui partagent tous l’inconvénient de nécessiter des données difficiles à obtenir. Cela limite souvent leur application à des estimations annuelles moyennes d’émission de méthane entérique.

C’est par l’analyse du spectre de réfl exion de la lumière infrarouge caractéristique de la composition du lait, dont son profil en acides gras, que le méthane émis sera estimé.

C’est dans ce contexte qu’est né un projet de recherche conduit par Lactanet et Les Producteurs de lait du Québec. Il a débuté en juillet 2023 et s’achèvera en 2027. L’objectif principal est d’estimer la quantité de méthane entérique de l’ensemble des vaches laitières d’un troupeau à partir de l’analyse du lait de réservoir. Le lait produit étant collecté et échantillonné tous les deux jours, cela permet de profiter d’une routine bien établie qui fournit une importante quantité de données essentielles au projet. C’est par l’analyse du spectre de réflexion de la lumière infrarouge (IR) caractéristique de la composition du lait, dont son profil en acides gras, que le méthane émis sera estimé en complément d’autres variables de production pertinentes également collectées (voir la figure 1).

Dans un premier temps, le projet consistera à établir l’algorithme qui reliera le méthane entérique émis par les vaches en lactation au spectre IR du lait et d’autres variables clés de la production. Pour ce faire, un protocole expérimental sera mis en place dans une dizaine de fermes commerciales du Québec en traite robotisée, où le méthane entérique éructé sera enregistré à la traite de chaque vache à l’aide d’un capteur placé dans la mangeoire pour la durée du projet. En parallèle, des échantillons de traite ainsi que les échantillons du lait de réservoir seront analysés au laboratoire (voir la figure 2).

Dans un second temps du projet, le modèle développé sera validé sur le lait de réservoir d’une cinquantaine d’autres fermes (sans capteur) pour lesquelles des données exhaustives de troupeau (inventaire, parité, génotype), d’alimentation et de régie seront collectées afi n de vérifi er la sensibilité du modèle à différents paramètres réputés infl uents sur les émissions de méthane, c’est-à-dire des stratégies de réduction. Ces fermes seront sélectionnées parmi l’ensemble des fermes québécoises sur la base de leur intensité d’émission estimée par le modèle (CH4 estimé par kg de lait ou par vache), de sorte à couvrir l’étendue du spectre de réponse du modèle et à sélectionner des groupes de troupeaux de faible, moyenne et haute intensité. En plus de valider la sensibilité du modèle, ces fermes pourront mettre en place, dans les dernières années du projet, des stratégies de réduction du méthane entérique dont le bénéfi ce sera suivi en quasi-continu grâce au modèle.

Le projet inclura d’autres activités visant les objectifs suivants :

  • Estimer la production de méthane entérique des autres animaux du troupeau (génisses, veaux et vaches taries) à l’aide de modèles classiques de prédiction, afin de compléter l’inventaire de cette source de GES;
  • Estimer toutes les autres sources d’émission de GES de la soixantaine de fermes laitières à l’étude selon une perspective cycle de vie, à l’aide d’un calculateur de ferme qui sera identifié par une revue des outils existants, de sorte à pouvoir calculer l’empreinte carbone du lait de ces fermes;
  • Répertorier, mieux comprendre et évaluer le rapport coût-bénéfice des stratégies de réduction du méthane entérique mises en place;
  • Contribuer à améliorer l’indice génétique Lactanet d’effi cience en méthane et à favoriser l’adoption de cet indice génétique par les producteurs intéressés;
  • Développer l’infrastructure informatique qui permettra de mettre à disposition les estimations sur la quantité de méthane entérique des vaches en lactation obtenues par le modèle, à partir de l’échantillon de lait de réservoir.

Ce projet est mené avec le soutien financier du gouvernement du Québec dans le cadre du Plan pour une économie verte 2030.