Des outils pour combattre le stress thermique

Les grosses chaleurs nous envahiront dans quelques semaines. Avec la stratégie appropriée, il est possible d’en atténuer les inconvénients pour le troupeau.

Le stress thermique peut affecter non seulement la production du troupeau, mais aussi sa reproduction, sa santé et son bien-être. Le fait a été largement démontré. Heureusement, il existe des moyens de réduire les conséquences d’un excès de chaleur. Cela se fait au moyen de la ventilation, bien sûr, mais il existe plusieurs autres options. D’ailleurs, selon une enquête réalisée par Lactanet, 23 % des producteurs québécois font appel à au moins une option de refroidissement autre que le système de ventilation de l’étable.

C’est ce qu’on a pu apprendre lors d’une présentation faite par Véronique Ouellet et Sébastien Fournel, professeurs-chercheurs à l’Université Laval, lors du dernier Symposium sur les bovins laitiers. Les deux spécialistes ont présenté à cette occasion diverses mesures qu’un producteur peut prendre pour atténuer le stress thermique. Ces mesures touchent à deux aspects : l’alimentation et les options de refroidissement. Voici un résumé de leurs conseils.

Adapter l’alimentation

Pallier la diminution de la consommation volontaire de matière sèche (CVMS)

Véronique Ouellet souligne qu’il existe différents moyens de pallier la diminution de consommation. Un premier est de servir plusieurs repas par jour pour éviter le chauffage. Un autre, de surveiller l’humidité de la ration pour empêcher que celle-ci soit trop sèche ou trop humide. La spécialiste situe le niveau optimal entre 40 et 55 %. Par ailleurs, elle suggère de porter une attention particulière au contenu de la ration en soufre, en potassium et en chlorure de sodium. Enfin, elle mentionne qu’on gagne à servir une ration un peu plus digestible, donc à utiliser des fourrages plus jeunes.

Les besoins énergétiques de l’animal augmentent

La recherche démontre que les besoins énergétiques sont plus élevés pendant un stress thermique. C’est pourquoi la professeure-chercheure suggère d’abaisser le ratio fourrages/concentrés et d’augmenter la teneur en gras de la ration.

Repousser la ration plus souvent

Cela stimule évidemment la consommation. Véronique conseille de repousser la ration en particulier la nuit et le matin. « L’animal tend à s’alimenter davantage par temps frais », explique-t-elle.

Vérifier la disponibilité et la qualité de l’eau

Bien sûr, on doit le faire en tout temps, mais cela prend une importance particulière dans les cas de stress thermique, puisque les besoins en eau de l’animal augmentent. « Il faut viser un débit de 18 litres par minute pour les abreuvoirs à tube et de 40 litres par minute dans le cas des abreuvoirs collectifs », précise-t-elle.

Faire appel à certains additifs alimentaires

Véronique signale que certains additifs alimentaires démontrent un bon potentiel pour aider les animaux à affronter un stress thermique. Elle en identifie plusieurs, dont la vitamine D3, le calcium, la vitamine E, le sélénium organique et les suppléments composés de sodium et de potassium. Elle ajoute cependant que plusieurs de ces additifs n’ont pas été testés sous nos conditions. Et elle insiste sur le fait qu’« aucun ne peut annuler complètement les effets du stress thermique ».

Le stress thermique entraîne à la fois une baisse de la consommation et une hausse des besoins en énergie des animaux. Selon la professeure-chercheure Véronique Ouellet, il existe différents moyens d’atténuer ces conséquences fâcheuses.

Les options de refroidissement

Les producteurs disposent de différents moyens pour influencer les conditions environnementales dans l’étable, c’est-à-dire la température et l’humidité relative qui y règnent. Parmi ceux-ci, on retrouve l’isolation du plafond, la brumisation, l’aspersion, le refroidissement par conduction, l’ombrage, les panneaux d’évaporation et, bien sûr, la ventilation. Sébastien Fournel les a passés en revue.

Isolation du plafond

L’objectif est de réduire le transfert de chaleur provenant de l’extérieur. Sébastien Fournel indique qu’une isolation de R5 à R10 est recommandée. Il précise que « cela permet de diminuer la température intérieure d’environ cinq degrés ».

Brumisation

Elle consiste à projeter de fines gouttelettes dans l’air, lesquelles s’évaporent avant d’atteindre le sol. Un tel système fonctionne par cycles. Dans le cas d’un stress thermique modéré, par exemple, il y aura 15 secondes de brumisation toutes les 30 minutes. « Un système de brumisation permet d’abaisser la température de l’air de 2 à 9 degrés, affirme le spécialiste. Par contre, il élève l’humidité relative de 8 à 50 unités de pourcentage. » Un autre inconvénient mentionné est qu’un tel système fonctionnant à haute pression requiert de l’équipement spécialisé.

Aspersion

On l’appelle le cousin de la brumisation. À la différence de ce dernier, toutefois, ce système fonctionne à basse pression. Il produit une pluie qui mouille le pelage de l’animal. « Pour passer à l’état gazeux, l’eau utilise la chaleur de l’animal, ce qui le rafraîchit, explique l’ingénieur. » Il fonctionne par cycles lui aussi. Par stress thermique modéré, par exemple, il est actif pendant une à trois minutes toutes les 15 à 30 minutes. « Un système par aspersion peut abaisser la température ambiante de 0 à 5 degrés, indique Sébastien. Toutefois, il hausse l’humidité relative de 0 à 24 unités de pourcentage. En retour, il permet d’augmenter la CVMS d’un à trois kilos par jour et la production de lait d’un à quatre kilos par jour. »

Refroidissement par conduction

Le type de litière peut avoir une influence sur le stress thermique subi par l’animal. « Les vaches passent environ la moitié de la journée couchées, rappelle-t-il. Or certaines litières se maintiennent plus froides que la paille. C’est le cas par exemple du sable et des copeaux de bois. »

Ombrage

Si les animaux vont au pâturage pendant le jour, il va de soi qu’ils doivent disposer d’ombrage. Mais la question de l’ombrage se pose aussi dans l’étable. « On va privilégier une orientation est-ouest de l’étable pour limiter l’entrée des rayons du soleil, dit Sébastien. On peut aussi créer une barrière naturelle avec des arbres feuillus ou une barrière artificielle, comme des corniches ou un porche. »

Panneaux d’évaporation

C’est une autre stratégie qui fait appel à l’eau. Rare au Québec, elle est appliquée davantage aux États-Unis. On fait circuler de l’eau au travers d’un tapis humide en fibres tissées placé à l’entrée d’une ventilation tunnel. L’évaporation de l’eau dans l’air rafraîchit celui-ci. Sébastien précise : « Ce système permet d’abaisser la température de 2 à 6 degrés. Par contre, il augmente l’humidité relative de 22 à 27 unités de pourcentage. Alors, attention à l’humidex! »

Il prévient aussi que ce système vient avec des exigences d’entretien, comme une purge à l’automne et un remplissage au printemps ainsi que des nettoyages réguliers.

Ventilation

D’abord, la bonne nouvelle. Le spécialiste des bâtiments assure que tous les systèmes fonctionnent s’ils sont conçus et opérés correctement. Ce qui signifie que la fréquence des changements d’air pour évacuer l’air vicié doit atteindre 40 à 60 par heure l’été et 4 à 8 l’hiver. Il déplore toutefois que ces fréquences sont souvent non respectées. Il rappelle au passage que l’encrassement peut réduire de beaucoup (jusqu’à 24 %) l’efficacité d’un ventilateur.

« Il ne faut pas oublier de ventiler le micro-environnement de la vache », poursuit-il, précisant que la vitesse de l’air à proximité de l’animal devrait atteindre de 1,0 à 2,5 mètres par seconde. « Atteindre les vitesses souhaitées n’est pas toujours possible dans une étable existante, ajoute-t-il. D’où les ventilateurs de recirculation. Ceux-ci peuvent fonctionner à faible volume et vitesse élevée ou à fort volume et vitesse lente. » Une enquête de Lactanet a révélé que 95 % des producteurs qui ont ajouté une option de refroidissement au système de ventilation de leur étable ont choisi des ventilateurs de recirculation.

 

Certains types de litière, comme le sable, demeurent plus frais que la litière de paille. Cela n’est pas inutile compte tenu du fait que les vaches passent environ la moitié du temps couchées.

Devriez-vous rehausser votre système de refroidissement?

À l’intention des producteurs qui voudraient vérifier s’ils ont un problème de stress thermique, Véronique Ouellet décrit différents indicateurs. Elle divise ceux-ci en deux catégories. Il y a, d’une part, les indicateurs reliés aux animaux. « C’est tout changement observable avec les yeux en lien avec le stress thermique, précise-t-elle. Par exemple, une chute de production ou un taux de respiration anormalement élevé. » D’autre part, il y a les indicateurs environnementaux. « Nous, on se fie à l’indice de température-humidité, explique-t-elle. C’est un peu comme quand on indique le facteur humidex chez l’humain. »

Le calcul de cet indice est relativement complexe. Toutefois, la chercheure fournit des repères. À 21 0C et 50 % d’humidité relative (HR), l’indice de température-humidité (THI) atteint 67. À 22 0C et 70 % HR, le THI passe à 69. À 23 0C et 90 % HR, le THI grimpe à 73. Elle note que la tolérance à la chaleur varie en fonction du climat, de la génétique, du niveau de production, de la race et du moment de l’année. Celle-ci varie aussi selon le stade physiologique de l’animal. Par exemple, une tarie n’a pas la même tolérance qu’une taure.

« En général, un THI de 68 est associé à une baisse de la production de lait », indique Véronique tout en soulignant que cette observation a été faite sous d’autres climats que le nôtre. « Au Canada, poursuit-elle, les recherches ont révélé que les composantes du lait sont beaucoup plus sensibles à un stress thermique que le volume de lait. Dans le cadre d’essais scientifiques, on a observé des baisses des composantes à 65, 60 et même 58. »

Sébastien Fournel termine en se faisant rassurant. « Les étables québécoises ont généralement tout ce qu’il faut pour gérer le stress thermique, dit-il. Il s’agit de garder en tête les bonnes pratiques que nous avons présentées. »

Il fait néanmoins une mise en garde à l’intention des producteurs désirant s’équiper pour mieux combattre le stress thermique : « Tout ce qui est stratégie de refroidissement à l’eau est à prendre avec un bémol. C’est à utiliser seulement en cas d’absolue nécessité, car cela augmente l’humidité relative dans l’étable. »

Sébastien Fournel signale qu’un ventilateur sale peut perdre jusqu’à 24 % de son efficacité.