C-282 : une ultime étape

En avril dernier, le Sénat a adopté le projet de loi C-282 en deuxième lecture, avec 58 voix favorables contre 12 oppositions et 2 abstentions. D’ailleurs, tous les sénateurs québécois présents, à l’exception d’un seul, ont voté en sa faveur. C’est une bonne nouvelle, mais la joute n’est pas terminée. Il reste l’étude en comité pour se rendre à l’étape finale de l’adoption en 3e lecture. Le Sénat ayant ajourné ses travaux en juin, ces étapes n’ont pas pu être complétées.

Nous reconnaissons le rôle du Sénat dans le système parlementaire et le droit des sénateurs à débattre. Nous demandons toutefois aux sénateurs de ne pas ignorer l’appui sans équivoque accordé à C-282 par les élus de la Chambre des communes. Dans l’intérêt alimentaire et économique du pays, nous leur demandons de procéder promptement à l’étude en comité, dès le début de la session parlementaire qui s’ouvrira dans les prochains jours, puis d’adopter de façon finale le projet de loi. Tout report de la part des sénateurs pourrait être interprété comme un souhait de le faire mourir au feuilleton, comme ce fut le cas pour son prédécesseur, le C-216, lors du déclenchement des dernières élections.

Difficile de ne pas être attentif à ce qui se passe du côté américain avec l’élection à la présidence. Peu importe le résultat, en 2026, il est prévu que les signataires de l’ACEUM pourront procéder à une « évaluation conjointe » du fonctionnement de l’Accord en plus de soumettre, de part et d’autre, des demandes. Ce sera l’occasion pour le gouvernement fédéral de revoir certaines dispositions de l’Accord qui posent des problèmes, mais surtout, ce sera le moment de protéger les outils et mécanismes en place au Canada.

La meilleure arme dont peut disposer le gouvernement en vue de cette révision, mais aussi pour faire face aux futures négociations d’accords commerciaux, c’est d’avoir une loi qui n’autorisera plus le Canada à inclure les produits sous gestion de l’offre dans les accords commerciaux. Cette interdiction légale de faire des concessions dans les secteurs sous gestion de l’offre aiderait le gouvernement à renforcer et justifier sa position vis-à-vis de ses contreparties dans les différentes négociations. Certains pays le font déjà, nous ne devons pas craindre de faire pareil. Le Japon, par exemple, interdit l’accès à son secteur du riz dans les négociations commerciales. Les Américains, comme les Européens, n’acceptent pas quant à eux de mettre le Farm Bill (PAC1) sur la table dans les négociations bilatérales.

Le secteur laitier a trop souvent été sacrifié par le gouvernement fédéral lorsqu’il était temps de conclure des accords commerciaux. Les décisions que le gouvernement a prises au détriment des producteurs laitiers ont fragilisé, petit à petit, notre modèle agricole et notre production.

Rappelons que depuis 2015, Ottawa a conclu trois accords commerciaux consécutifs qui ont des impacts importants sur notre secteur : l’Accord économique et commercial global (AECG), le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Ces accords ont conduit à ce que 8,4 % de la production laitière du Canada soit attribuée à des producteurs étrangers, dont les produits importés sont maintenant disponibles sur nos tablettes en remplacement de ceux faits avec du lait d’ici. Cela représente près de 800 millions de litres de lait qui ne sont plus produits par les producteurs canadiens à perpétuité, soit l’équivalent de la production annuelle de 1 200 fermes laitières moyennes du Québec.

Dans le cadre de l’ACEUM, le Canada a aussi cédé aux Américains une partie de sa souveraineté en matière de politique laitière en acceptant d’éliminer sa classe d’ingrédients laitiers, de plafonner les exportations de solides non gras à 35 000 tonnes et d’appliquer une surtaxe aux exportations qui excèdent ce seuil. Cette ingérence américaine entraîne des répercussions économiques majeures pour la filière laitière!

Même si le gouvernement nous a souvent assuré qu’il ne concéderait plus aucun accès supplémentaire, nous ne pourrons jamais baisser la garde, et encore plus tant que C-282 n’aura pas force de loi. Trop souvent, les gouvernements n’ont pas tenu leur parole et ont sacrifié le secteur laitier au profit d’autres secteurs. La filière laitière a largement contribué à l’ouverture des marchés. C’est assez!

Nous ne le dirons jamais trop : la gestion de l’offre est un modèle de développement durable qui assure une contribution économique, sociale et environnementale. En plus de produire du lait, un aliment d’ici abordable, nutritif et de qualité pour les citoyens, nous assurons une vitalité économique dans de nombreuses communautés et régions du Québec et du Canada. Également, nous sommes mobilisés pour réduire notre empreinte environnementale et nous visons la carboneutralité en 2050. Notons qu’en arrimant la production aux besoins réels du marché, nous évitons le gaspillage alimentaire, un problème majeur dans nos sociétés.

Nous continuerons d’unir nos forces pour défendre notre système et nos produits. Nous continuerons d’innover et d’être engagés. Mais nous avons besoin que le gouvernement et le parlement nous soutiennent en nous donnant les outils pour assurer notre durabilité. Et ça commence par l’adoption finale du projet de loi C-282 par le Sénat canadien.