AGA 2024 – extrait du discours du président

L’éditorial du mois de juin est un extrait du discours du président des Producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil, prononcé dans le cadre de notre assemblée générale annuelle qui s’est tenue en avril dernier.

Les défis sont importants dans nos fermes avec la hausse des taux d’intérêt et les exigences à venir pour se conformer aux attentes sociétales.

Afin de résoudre la question du manque de capacité de transformation, le Programme national sur la croissance des marchés a été adopté en juillet 2023. Il vise à stimuler et soutenir les projets de transformation pour réduire le surplus de solides non gras et favoriser la croissance des marchés. Son adoption représente un moment historique pour l’industrie!

Nous avons aussi créé un Fonds pour l’amélioration des conditions de mise en marché du lait et l’imposition d’une contribution spéciale pour payer la part du Québec dans le programme national. Afin de pouvoir utiliser ces sommes, nous devons obtenir une exemption à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

Les provinces ont aussi convenu de revoir la politique de partage de la croissance des marchés, visant une plus grande équité entre les producteurs du Canada et entre les transformateurs, et la politique de partage des coûts de transport.

Ce travail au niveau national ne se fait pas sans défis. Les structures de transformation, l’historique de production, mais aussi les politiques et pouvoirs qui varient d’une province à l’autre nécessitent de faire des compromis et d’accepter certains changements au bénéfice d’une gestion de l’offre et d’une mise en marché collective fortes.

Bien que les provinces s’étaient engagées à résoudre ce dossier pour le début 2024 et que des efforts importants ont été consacrés par l’organisation, force est de constater que les discussions doivent se poursuivre en tenant compte des besoins des deux mises en commun.

La demande est toujours en hausse; elle est notamment influencée par l’augmentation de la population. Cette hausse est toutefois minée par les importations additionnelles associées aux ententes commerciales qui continuent de nourrir une part du marché. Les accès continueront de croitre jusqu’en 2025-2026.

Pour les prochaines ententes commerciales, notre position est claire : aucun accès supplémentaire au marché laitier ne doit être accordé. La négociation avec le Royaume-Uni a été mise sur pause pour un ensemble de raisons. Le gouvernement du Canada maintient que sa position n’a pas changé et qu’aucune concession ne sera accordée dans le marché laitier. Nous devons demeurer vigilants jusqu’à la fin.

Nous suivons attentivement ce qui se passe du côté américain avec l’élection à la présidence. Peu importe le résultat, un processus de révision de l’ACEUM est prévu en 2026. Ce n’est pas une renégociation, mais une révision. Rappelons que cet accord a entraîné des conséquences importantes pour le secteur laitier. Dans la révision, le Canada doit s’assurer de protéger les outils et mécanismes qui ont été mis en place.

La meilleure arme dont peut disposer le gouvernement, c’est un mandat politique clair du Parlement canadien. C’est ce qu’il a reçu avec l’adoption historique du projet de loi C-282 qui vise à protéger la gestion de l’offre dans les futurs accords commerciaux. La majorité des députés de tous les partis, tous les députés du Québec et tous les chefs des partis représentés à la Chambre des communes ont voté en sa faveur. Le premier ministre a affirmé publiquement qu’il soutiendrait le projet jusqu’à son adoption finale. Parce que même s’il a été adopté en Chambre, C-282 doit aussi recevoir l’approbation du Sénat. Nous respectons le rôle du Sénat et le droit des sénateurs de débattre. Cependant, les sénateurs ne peuvent ignorer l’ampleur de l’appui de C-282 par les élus. Le message ne pourrait être plus clair! Nous souhaitons que C-282 suive son cours et devienne, le plus rapidement possible, une loi.

De nouvelles brèches mettraient à risque la gestion de l’offre, voire le secteur. Il est donc justifié et justifiable que le Canada refuse de mettre cette question sur la table dans toutes futures négociations. L’illégalité d’éventuelles concessions ne ferait que renforcer la position du gouvernement et l’aiderait à justifier cette position face aux autres pays.

Quelques secteurs agricoles exportateurs s’opposent au projet de loi. Nous le déplorons. Notre secteur a déjà payé et paiera éternellement pour les ouvertures de marché des trois derniers accords. Les emplois générés par le secteur laitier ont autant de valeur que ceux des secteurs exportateurs ou des autres secteurs de l’économie. La gestion de l’offre a fait plus que sa part pour l’ouverture des marchés; ce n’est pas toujours aux mêmes entrepreneurs et aux mêmes travailleurs de se sacrifier pour les autres.

Sur le plancher des vaches, le principal défi auquel les fermes laitières du Québec sont confrontées actuellement, et nous l’avons entendu dans chacune des rencontres en région, est l’adaptation au nouveau code de pratiques. Plusieurs fermes nécessiteront des investissements pour respecter les nouvelles exigences, particulièrement celles qui seront en vigueur en 2027.

On estime que près de 600 M$ devront être investis pour répondre aux exigences, partout en région. C’est l’équivalent d’un programme économique régional sans précédent. Le Québec, compte tenu de son historique agricole, sera davantage touché que les autres provinces. Pour rester compétitifs, continuer de jouer notre rôle en région, mais aussi d’exercer notre leadership canadien, nous avons besoin que le gouvernement investisse conjointement avec nous. Nous demandons au gouvernement du Québec la mise en place de programmes d’aide financière pour aider les producteurs à s’adapter aux exigences du code de pratiques. Nous sommes en discussion avec le ministre sur ce sujet.

Bien entendu, comme secteur, nous n’avons pas le contrôle sur tout ce qui peut avoir un impact dans nos fermes. Il est d’autant plus important de travailler pour avoir une vision qui nous guide dans nos actions. En 2023, nous avons adopté le plan stratégique 2023-2030 qui vise à nous projeter vers l’avenir et nous solidariser autour d’une vision. Nous nous sommes dotés d’objectifs clairs et d’un plan de travail pour les prochaines années.

Si nous nous sommes donné une vision claire, nous aurons aussi besoin que les gouvernements aient une vision claire et qu’ils restent cohérents avec cette vision, car les ressources humaines et financières de nos fermes sont des contraintes réelles. Pour le gouvernement du Québec, cette vision devra se matérialiser, entre autres, dans la nouvelle mouture de la politique bioalimentaire prévue en 2025. En ce moment, nous faisons les démarches pour être pleinement reconnus dans cette politique.

Le Plan de développement durable 2023-2027 fixe des priorités pour lesquelles nous possédons des compétences et une capacité d’agir afin d’améliorer notre bilan, non seulement pour la lutte aux changements climatiques, mais aussi pour des pratiques agricoles durables. Il vise aussi à consolider notre contribution sociale et économique. Des projets importants sont déployés pour atteindre nos objectifs : le Laboratoire vivant – Lait carboneutre et celui concernant l’estimation du méthane à partir de l’analyse du lait dans le réservoir.

Notre secteur est un des plus stratégiques pour l’économie. Il l’est d’abord par sa mission de nourrir les gens. Nous avons vu, pendant la crise de la covid-19 et aussi dans le contexte de l’inflation, l’importance d’assurer notre sécurité et notre souveraineté alimentaire. Il l’est aussi par l’ampleur de ses retombées économiques et son rôle crucial en région et par sa fonction d’occupation et de valorisation du territoire.

Investir dans notre secteur, ça veut dire qu’en plus de défendre et de promouvoir énergiquement la gestion de l’offre et la mise en marché collective, les gouvernements doivent prendre les moyens pour assurer la durabilité et la pérennité des fermes laitières.

Notre secteur se prend en main. Nous avons une vision et un plan stratégique, un plan de développement durable et un code de bonnes pratiques à jour. Nous contribuons de façon substantielle à l’économie du Québec avec des investissements de plus de 800 millions de dollars en machineries, équipements et bâtiments, juste en 2023. L’argent investi fait rouler d’autres secteurs dans les régions. Ces investissements mènent à une plus grande productivité dans les fermes. Notre filière a une contribution au PIB évaluée à 6,1 G$, en plus de revenus de taxation de plus de 1 G$, sans compter les 66 000 emplois générés par la filière laitière, juste au Québec.

Les gouvernements soutiennent d’autres secteurs, qui sont rentables ou pas… et où les propriétaires font plus de profits individuels. Des secteurs qui souvent se délocalisent, ce que nous ne faisons pas. Ils les soutiennent parce qu’ils les considèrent stratégiques. Il est temps que les gouvernements nous considèrent au même titre, d’abord parce que nous sommes vitaux pour la vie des Québécois, nous sommes leur garde-manger, mais aussi parce que nous sommes rentables pour l’ensemble de l’économie et la société.