Devrait-on s’inquiéter de la qualité de l’eau que boivent les vaches?

Une étude a révélé que de nombreux échantillons d’eau d’abreuvement prélevés dans des fermes contiennent des quantités élevées de micro- et macrominéraux, soulevant ainsi des préoccupations quant à leur impact sur les troupeaux. L’objectif des chercheurs est de mieux comprendre les facteurs influençant la qualité de l’eau et d’évaluer leur incidence sur les performances des troupeaux.

Pourquoi s’intéresser à l’eau?

L’eau contribue à de nombreuses fonctions physiologiques, y compris la digestion, la thermorégulation et la production de lait. L’eau est vitale pour tous les mammifères terrestres, mais encore plus pour la vache en lactation. Rappelons que le lait est composé à 87 % d’eau. Pendant la lactation, les vaches consomment de grandes quantités d’eau pour compenser les pertes liées à la production laitière. Une hydratation adéquate est non seulement nécessaire pour maintenir la santé et le bien-être des animaux, mais aussi pour assurer des performances optimales. Au contraire, une hydratation insuffisante peut entraîner une baisse de la production laitière, des problèmes de santé et une sensibilité accrue au stress de chaleur l’été.

Au-delà de la quantité d’eau ingérée

Dans le contexte actuel marqué par les changements climatiques et l’augmentation des événements météorologiques extrêmes, de nombreuses études se sont penchées sur l’approvisionnement en eau des exploitations laitières. Cependant, un aspect souvent négligé mais déterminant de la nutrition est l’évaluation de la qualité de l’eau que boivent les vaches. Cette évaluation implique l’analyse de divers facteurs, tels que les propriétés organoleptiques (odeur et goût), les caractéristiques physiques et chimiques, la présence de composés toxiques (contaminants et métaux lourds), la contamination microbienne ainsi que les concentrations en minéraux essentiels, classés en microminéraux et macrominéraux selon les quantités requises par les animaux. Des concentrations excessives de certains de ces éléments peuvent avoir un impact direct sur la quantité d’eau consommée par les animaux ou altérer leurs fonctions digestives et physiologiques une fois l’eau ingérée et absorbée. Au Québec, seule la contamination microbienne fait l’objet d’une analyse routinière dans le cadre du programme proAction. Cependant, il est important de s’intéresser aussi à la présence de contaminants et de minéraux dans l’eau d’abreuvement, surtout compte tenu des interactions possibles avec ceux présents dans la ration alimentaire.

Le projet

L’étude a impliqué 49 fermes laitières réparties dans différentes régions du Québec, dont 21 dans le Bas-Saint-Laurent, 8 dans la Capitale-Nationale, 6 dans le Centre-du-Québec, 7 en Chaudière-Appalaches, 1 en Mauricie et 6 en Montérégie. L’équipe de recherche a recueilli de nombreuses données sur l’approvisionnement en eau de ces fermes. De plus, les chercheurs ont prélevé deux échantillons d’eau dans chaque ferme, l’un à la fin du mois de mars (collecte printemps) et l’autre à la fin du mois d’aout (collecte été) 2023. Ces échantillons ont ensuite été envoyés dans un laboratoire d’analyse pour déterminer leur pH, leur conductivité, leur alcalinité ainsi que leur contenu en contaminants tels que les nitrates, les sulfures et l’arsenic, et en métaux lourds comme le baryum, le mercure et le plomb. Nous avons également évalué la présence de nombreux micro- et macrominéraux, tels que le fer, le manganèse, le cuivre, le chrome, le sélénium, le molybdène, le zinc, le calcium, le magnésium, le phosphore, le sodium, le potassium, le chlorure et le sulfate, susceptibles d’avoir un impact soit sur la quantité d’eau ingérée, soit sur la santé des vaches laitières. Quelques résultats saillants sont présentés dans les tableaux 1 et 2.

Les problèmes identifiés

Parmi les fermes ayant participé à notre étude, 53 % étaient approvisionnées par un puits artésien, tandis que 27 % l’étaient par un puits de surface et 20 %, par l’aqueduc municipal. Dans 30 entreprises (soit 63 %), au moins un paramètre évalué dépassait la limite recommandée pour les vaches en lactation, soulevant ainsi plusieurs problèmes. Ces derniers étaient d’ailleurs en plus grand nombre à la collecte d’été par rapport à celle du printemps. Les trois problèmes les plus fréquents étaient la présence élevée de fer, de manganèse et de phosphore. Le fer et le manganèse sont des polluants très courants qui peuvent apparaître naturellement dans les eaux souterraines ou provenir d’activités minières à proximité. Les deux provoquent un goût métallique dans l’eau, ce qui peut entraîner une diminution de la consommation d’eau et de la quantité de lait produit. Des niveaux de fer supérieurs à 0,3 mg/L et des concentrations de manganèse dépassant 0,05 mg/L suffisent pour causer une baisse de l’appétence de l’eau. Pour sa part, le phosphore dans l’eau peut notamment provenir de la décomposition organique, d’activités industrielles ou des engrais phosphatés qui sont susceptibles de s’infiltrer dans le sol et les eaux souterraines. Sa forte présence dans l’eau peut interférer avec l’absorption d’autres minéraux essentiels comme le calcium et le magnésium et se traduire par une diminution de la fertilité.

Les systèmes de traitement d’eau

Une fois établi le fait que la qualité de l’eau d’une ferme est sous-optimale, la question à se poser est : comment améliorer la situation? Parmi les solutions disponibles, de nombreux systèmes de traitement de l’eau peuvent être envisagés. Notre étude a révélé que plusieurs producteurs (27, soit 55 % des participants à notre étude) ont récemment investi dans ces systèmes. Ces dispositifs visent soit à améliorer la qualité microbiologique de l’eau, comme les systèmes UV et d’ozonation, soit à réduire la présence de facteurs indésirables : polluants, métaux lourds et minéraux à travers des méthodes de filtration, d’échange cation-anion, ou une combinaison des deux, comme la chloration. Alors, installer ou non un tel système? Avant de prendre une décision, il est nécessaire d’évaluer attentivement l’ampleur du problème, les avantages potentiels de l’élimination des constituants indésirables ainsi que les coûts associés à l’amélioration attendue des performances et de la santé des animaux. De plus, il est important de noter que tous les systèmes de traitement ne sont pas égaux en termes d’efficacité.

Les prochaines étapes

Le travail des chercheurs n’est pas terminé. Ils vont explorer les liens entre les différents facteurs pouvant influencer la qualité de l’eau, tels que le système d’approvisionnement en eau, la saison, la région géographique et la présence de systèmes de traitement. De plus, ils chercheront à déterminer s’il existe une corrélation entre la qualité de l’eau et les performances des troupeaux, ce qui pourrait fournir des informations précieuses pour améliorer la santé et la productivité des vaches laitières.