REAP-Canada

Le panic érigé a sa place dans l’étable

Cette culture pérenne à fort rendement peut servir comme litière, source de fibre ou fourrage DACA. Le défi , c’est de bien l’implanter.  

C’est une plante qui ne fait pas beaucoup parler d’elle, mais qui gagne progressivement en popularité. La raison en est qu’elle occupe des fonctions particulières dans les entreprises laitières. Des fonctions pour lesquelles les options se font parfois rares.

Camil Faucher, de Saint-Éphrem-de-Beauce, produit du panic érigé qu’il utilise comme fourrage pour ses vaches taries et celles en transition (voir l’encadré ci-dessous). D’autres producteurs en font le même usage sans toutefois le produire eux-mêmes. Daniel Clément, de Cookshire-Eaton, en Estrie, est à même d’en témoigner, car il cultive et commercialise pas moins de 250 hectares de cette graminée. « La majeure partie des producteurs laitiers à qui j’en vends emploient le panic érigé comme fibre, explique-t-il. Certains le destinent aussi aux vaches taries. Ils me disent que c’est un fourrage qui travaille vraiment bien. Il contient peu de potassium et de calcium et son taux de fibre est élevé. Ça prépare mieux les vaches au vêlage. En plus, contraire- ment à la paille, l’analyse est toujours pareille d’une année à l’autre. »

Un autre usage populaire : la litière. Le producteur Normand Caron, de Salaberry-de-Valleyfield, rapporte que c’est l’utilisation la plus commune au sein de sa clientèle de producteurs laitiers. M. Caron a fait lui aussi une spécialité de la production et de la vente de panic érigé. Il lui réserve plus du tiers de ses 125 hectares en culture. « C’est une litière très sèche qui assure un confort supérieur à celui de la paille », affirme-t-il.

Soulignons que Normand Caron a été un des précurseurs de la culture de panic érigé. Ses premiers semis remontent à 1995! D’ailleurs, il a joué un rôle de mentor auprès de nombreux producteurs. De plus, il a collaboré au développement de nouvelles variétés avec REAP-Canada et il en distribue même les semences.

Des rendements costauds

Le rendement qu’on peut attendre de cette plante pérenne est impressionnant. « Dans des régions comme la Montérégie, l’Estrie, Lanaudière ou le Centre-du-Québec, on peut aller chercher jusqu’à huit à dix tonnes à l’hectare quand il est bien implanté, indique l’agronome Olivier Lalonde. Un hectare de panic érigé remplace quatre à cinq hectares de paille de céréale. Et il peut demeurer en production pendant facilement 15 ans. » M. Lalonde a réalisé des projets sur cette graminée de 2010 à 2016, alors qu’il occupait un poste de chercheur au CÉROM (il travaille maintenant comme consultant). Dans les régions plus fraîches, il faut évidemment s’attendre à un rendement moindre, car le panic érigé demeure une plante de climat chaud.

Ces 2 200 UTM constituent d’ail- leurs ce que plusieurs considèrent comme le seuil minimum. « En bas de 2200 UTM, prévient Olivier Lalonde, la probabilité de mortalité hivernale augmente. On peut manquer carrément son implantation. »

Le panic érigé se démarque aussi par l’uniformité de son rendement et de sa qualité. « Entre une bonne année et une moins bonne, l’écart est d’à peine une tonne à l’hectare », affirme Normand Caron.

Il peut y avoir confusion sur les conditions de sol permettant de concrétiser ce potentiel de rendement. Il est clair qu’un bon drainage et un pH adapté (6,5) sont essentiels. « Le pH, tu vas être 20 ans sans pouvoir le corriger en profondeur », souligne l’agronome Huguette Martel. Cette dernière est conseillère spécialisée en plantes fourragères pérennes au MAPAQ-Estrie.

Or l’importance des conditions de sol n’a pas toujours été mise en relief. « Quand on a commencé à s’intéresser au panic érigé, rappelle Olivier Lalonde, c’était comme culture bioindustrielle. On visait à produire de la biomasse pour le chauffage, par exemple. Comme on ne voulait pas “tasser” des cultures alimentaires, on visait les champs à faible potentiel. Mais les utilisations du panic ont évolué depuis et celui qui veut maximiser son rendement et sa qualité doit raisonner comme pour toute autre culture. »

Le défi numéro un : l’implantation

L’obtention d’un rendement élevé comporte toutefois un défi : l’implantation. Le panic se développe lentement : il faut compter aisément trois ans pour que la populaire variété Cave-in-Rock atteigne son plein rendement. Cela fait la part belle aux mauvaises herbes. Or le recours aux herbicides se trouve limité : seule l’atrazine est recommandée. À cause du risque environnemental, celle-ci exige une prescription agronomique. Olivier Lalonde précise : « Dans le cas du panic, on va l’utiliser seulement une fois, lors de l’implantation, et non de façon récurrente comme autrefois. De plus, on emploie une dose plus faible. »

« À la base, insiste l’agronome, on doit viser à avoir un champ propre avant de faire une implantation de panic érigé. »

Normand Caron encourage les producteurs à se montrer patients. « Il ne faut pas paniquer avec les mauvaises herbes, lance-t-il. Quand bien même ton champ est rempli de mauvaises herbes la première année, ça n’a pas d’importance. Souvent, les gens se découragent parce qu’ils ont de la misère à distinguer les plants de panic à travers les mauvaises herbes. Le panic va s’établir quand même. »

« S’il advenait que la pression des mauvaises herbes soit vraiment très élevée, poursuit-il, je traiterais au glyphosate le printemps suivant avant la levée du panic. Il est tellement compétitif qu’il va étouffer les mauvaises herbes. En particulier les nouvelles variétés de panic, qui se développent plus vite que les anciennes. »

Parlant de glyphosate, Huguette Martel observe d’ailleurs une tendance chez les utilisateurs à faire un traitement juste après le semis. « La fenêtre est courte », prévient-elle. Les années suivantes, le contrôle des mauvaises herbes s’avère simple. Camil Faucher rapporte par exemple qu’il a fait un traitement contre les feuilles larges seulement après sept ans d’exploitation.

Si l’on envisage de faire une fauche de nettoyage, la conseillère du MAPAQ recommande de faucher au-dessus des plants de panic. « Le panic est une plante de chaleur comme le maïs, souligne-t-elle. Elle a besoin de toute la saison de croissance pour développer pleinement son système racinaire. »

Une plante peu gourmande

Le panic possède d’ailleurs un imposant système racinaire qui peut descendre au-delà de trois mètres dans le sol. « Il peut aller chercher des nutriments à une profondeur qui est hors de portée de la plupart des autres espèces », note Normand Caron. Cela explique en partie pourquoi les recommandations de fertilisation sont relativement basses, compte tenu du volume de biomasse récolté.

Selon Huguette Martel, 50 à 70 unités d’azote comblent ses besoins. « On n’a pas observé d’augmentation notable de rendement avec plus d’azote, indique-t-elle. En plus, au-delà de cette recommandation, les risques de verse s’accroissent. »

« Pour ce qui est du phosphore et du potassium, poursuit-elle, dans un sol possédant un niveau de richesse moyen, soit environ 100 kilos de phosphore et 150 kilos de potassium, la plante ne répond pas à un apport. »

Elle ajoute : « Il faut savoir qu’en plus d’avoir un imposant système racinaire, le panic tend à s’associer à des mycorhizes. Par ailleurs, si on récolte au printemps, le potassium contenu dans la plante retourne au sol, puisqu’il est hydrosoluble. »

Récolter à l’automne ou au printemps

Le panic peut se récolter à l’une ou l’autre des deux saisons. Plusieurs optent pour le printemps. Cette pratique permet de profiter au maximum de la saison de croissance tout en minimisant les risques de créer des roulières. C’est le cas de Daniel Clément, qui fauche vers la mi-mai ou au début de juin. « La perte de rendement est faible par rapport à une récolte d’automne, constate-t-il. Et la fauche n’est pas difficile. La plante écrase sous le poids de la neige, mais elle se relève au printemps. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle porte le nom de panic érigé.

Pour qui souhaite quand même récolter en automne, les nouvelles variétés facilitent les choses. Certaines sont relativement hâtives. « Je préfère maintenant récolter vers la troisième semaine de septembre, indique Roger Samson, de REAP-Canada. On va alors mesurer environ 60 % d’humidité dans l’andain, mais la plante sèche bien, car l’andain n’est pas comprimé comme un andain de luzerne. »

C’est aussi le choix de Normand Caron. « Je récolte en octobre quand la plante prend une apparence jaunâtre, dit-il. Je presse deux ou trois jours après la coupe. La plante sèche rapidement parce que, contrairement à la paille, sa tige ne comporte pas de nœuds. »

« En somme, conclut Olivier Lalonde, le panic érigé n’est pas une culture compliquée, mais tu dois te montrer rigoureux. Comme c’est une culture moins connue, il faut prendre le temps de bien s’informer pour réussir son implantation. Il y a une période d’apprentissage comme avec toute nouvelle culture. »

Des gains génétiques majeurs

Jusqu’à maintenant, presque tout le panic érigé semé au Québec provient de la variété Cave-in-Rock. Mais les choses paraissent appelées à changer grâce aux nouvelles variétés développées par REAP-Canada. Cet organisme de recherche indépendant entretient un partenariat relativement au panic érigé avec des scientifiques de l’Université McGill.

Ses travaux commencent à porter fruit. Récemment, l’organisation a mis sur le marché différentes variétés dont la maturité varie de 130 à 155 jours. En comparaison, celle de la variété Cave-in-Rock s’élève à 146 jours.

Le directeur de REAP-Canada, Roger Samson, indique que son équipe a voulu corriger certaines faiblesses de la variété Cave-in-Rock. Au premier chef, la rapidité de l’implantation du panic érigé. « On a gagné un an, estime-t-il. Sur un sol de qualité, on peut obtenir environ 90 % du rendement normal dès la deuxième année.»

Le producteur, Normand Caron, de la Montérégie- Ouest ne tarit d’ailleurs pas d’éloges au sujet des variétés de REAP. « Par rapport au Cave-in-Rock, il n’y a pas de comparaison! Ce sont des variétés beaucoup plus agressives qui sortent du sol plus rapidement », observe-t-il. Au point où il a éliminé graduellement tous ses champs semés en Cave-in-Rock pour y implanter la variété RC Big Rock (depuis quatre ans) et la variété RC Sundance (depuis trois ans). « Bon an mal an, assure le producteur, le rendement joue entre 12 et 14 tonnes à l’hectare. »

Une des caractéristiques sur lesquelles l’équipe de sélection de REAP s’est concentrée est le tallage. « La variété Cave-in-Rock a beaucoup tendance à taller, explique Roger Samson. Nous avons cherché à réduire le nombre de tiges de façon à ce qu’elles soient plus fortes. On a aussi développé des plants dont les feuilles sont davantage dressées. »

La disponibilité de variétés plus hâtives que le Cave-in-Rock sera avantageuse notamment pour les producteurs situés en région périphérique. La variété RC Blue Jacket, que REAP a lancée cette année, fait l’objet d’essais à La Pocatière depuis cinq ans. « On l’a aussi essayée avec succès à Témiscouata », affirme le sélectionneur. Pour ce qui est de la variété RC Sundance, Roger Samson avance qu’elle est suffisamment hâtive pour pouvoir se récolter en automne dans la région de Sherbrooke.

Il y a fort à parier que les nouvelles variétés de REAP accéléreront l’adoption du panic érigé.